Chapitre
10
Me voilà mi-accroupi, mi-assis, contre la même
palissade que tout à l'heure. J'espère vraiment que quelqu'un
répondra à mon annonce !
Sinon, je ne sais pas comment je ferai. Je devrai
mendier... Mais jamais, oh non, jamais, je ne me lierai à la Bande !
Jamais !
Il me tarde d'être demain matin ! Je ne pourrai
pas tenir jusque là. En plus, où je dormirai ? Il faudrait que
je puisse accélérer le temps, jusqu'à demain matin, tôt. Pfiou...
Je vais marcher un peu dans la ville. Ça m'occupera, au
moins. Je pourrais peut-être sonner au portes et proposer un petit
boulot à faire, juste une heure ou deux. Je ne demanderai pas
beaucoup.
Allons-y ! Je trouve que j'ai de bonnes idées, ces
temps-ci !
* * *
Je sonne à une première porte. Une toute petite fille
ouvre.
« Bonjour monsieur, vous voulez entrer ?
J'entends une autre voix qui crie depuis l'intérieur,
puis une grande dame arrive en courant près de sa fille.
« Betty ! On ouvre pas à n'importe qui comme
ça ! Et surtout, on ne lui propose pas d'entrer. Bon... Que
veux-tu, mon garçon ?
Un petit boulot d'une heure ou deux, un service à vous
rendre... Je ne demanderai pas beaucoup comme récompense.
Oh... Eh bien... Ma mère n'est pas là, et je voudrais
aller au marché. Si tu pouvais garder ma Betty une petite
demi-heure... Enfin, si tu en as le courage, car ma louloutte est
très turbulente ! Hein, ma Tyty ?
Heu... C'est d'accord. Et, sans être impoli, quelle
sera ma récompense ?
On en discutera après. Allez, j'y vais. Au revoir ma
louloutte, je reviens dans pas longtemps. »
La dénommée louloutte m'observe un petit moment, puis
elle part dans la cuisine, me laissant seul. J'observe les lieux :
un crochet plein de manteaux miteux, la porte est un peu fendue de
l'intérieur, le carrelage n'est pas très propre... Cette famille ne
doit pas rouler sur l'or ! Enfin, je peux bien parler, moi.
« Viens, garçon. Je suis dans la cuisine. »
Je m'approche. Betty est entrain de dévorer une énorme
tranche de pain et elle se mets plein de confiture partout.
« Betty ! Tu as le droit de manger
maintenant ?
Oui. Maman a dit...
Regarde, tu t'en mets partout ! Attends, je vais
t'essuyer.
Noooon ! Je lècherai quand j'aurai fini. Laisse
moi !
Mais...
Prends quelque chose à manger et laisse moi
tranquille.
Betty... »
J'hésite, puis je fouille dans le placard. Après tout,
ça ne va pas me faire de mal de renforcer un peu les réserves dans
ma sacoche.
Tiens, des flocons d'avoine. Je les prends, au moins, ça
nourrit. Du lait, non, ça ne se conserve pas bien. Ah, une pomme
pour manger maintenant. Je croque dedans. Continuons les
recherches... Un jambon fumé ! Parfait. Je le glisse dans ma
sacoche. J'ai fini...
Betty me demande ce que je fais, sans une ombre de
reproche dans la voix. Je lui explique que je fais des provisions
pour ne pas mourir de faim. Je me sens un peu coupable. J'ai volé
chez une dame pas très riche, et qui en plus va me payer...
Bah !
« Ma maman elle va revenir. Elle a dit qu'elle
achèterait des noisettes. J'adore les noisettes.
Oui, moi aussi. Euh... tu as quel âge, ma petite ?
Je ne suis pas petite ! J'ai cinq ans. Maman dit
que je suis déjà un petit bout de femme.
Et ton papa ?
Mon papa, il est jamais là. Je ne sais pas comment il
est. Maman dit qu'il est en voyage pour le travail. »
Je ne sais pas trop quoi penser. Je pense que Betty n'a
jamais eu de papa. Mais je préfère ne pas lui dire, j'ai peur
qu'elle me fasse une crise, comme ça, au milieu de la cuisine.
Je commence à avoir un doute. Est-ce que sa maman va
revenir ? Ne va-t-elle pas profiter de mes services pour
abandonner sa fille, en me la laissant sur les bras ? Je
commence vraiment à stresser... Madame ! Revenez !