mardi 5 mars 2013

Chapitre 10 (Nil)


Chapitre 10
Ville en vue


    Nil n’eut pas besoin de quelqu’un pour le réveiller. Il avait une faim de loup et était près à manger n’importe quoi. Il s’étira et vit Elena à ses côtés ; elle dormait toujours. Il l’admira assez longtemps, jusqu’à ce qu’un gargouillis ne le fasse sursauter. Il tâta son ventre et soupira. Il fallait vraiment qu’il mange.
    Il se leva donc, puis sortit de l’abri. La rosée était présente tout autour de lui, il était encore tôt. Derrière lui, un frémissement le fit se retourner. Roy. Nil attrapa avec joie son ami et se mit en quête d’un repas. Il réussit finalement à trouver des baies et recueillit un peu de sève d’arbre. Certains mouvements le faisaient grimacer, il était encore faible de son séjour chez les Sô’limanns. Il ramena la nourriture auprès d’Elena après en avoir un peu mangé.
    Quand il arriva, la jeune fille n’était plus là. Tout d’abord, Nil s’inquiéta, mais après qu’il l’eut appelée plusieurs fois, l’adolescente apparut de derrière un buisson.
-      Ne crie pas comme ça ! J’allais juste me rincer le visage.
-      Excuse-moi, grogna Nil.
-      Ce n’est pas grave. Tu as ramené à manger ! s’exclama alors Elena en apercevant la nourriture.
-      Oui, sers-toi.
-      Merci, Nil.
    En l’entendant prononcer son nom, Nil détourna le regard. Ses joues s’empourprèrent d’un seul coup. Il la vit rire.
-      Tu rougis ! remarqua-t-elle.
-      Toi aussi, bredouilla Nil.
    L’adolescente s’arrêta de rire soudainement et baissa les yeux. C’est vrai qu’elle rougissait. Puis elle se baissa et s’empara de quelques baies.



    Après un peu plus d’une heure passée à discuter et à finir de manger, les trois amis se remirent en marche et avaient vraiment décidé de trouver un autre village. Ils marchèrent longtemps, traversèrent les champs, parcoururent des landes entières et voyagèrent à travers d’immenses forêts. Pendant trois jours. Ils étaient toujours un peu plus fatigués mais avançaient toujours plus loin. Le troisième soir, ils se couchèrent dans une petite grotte. Elena décida de faire un tour pour inspecter les alentours pendant que Nil se reposait. Après quelque temps laissé seul avec Roy, Nil entendit Elena l’appeler.
    Il se leva et alla la rejoindre.
-      Que se passe-t-il ? l’interrogea-t-il.
-      J’ai trouvé des traces de feu de camp ! Des gens sont déjà passés là !
-      Ça veut dire qu’il y a sûrement un village tout près !
    Les deux jeunes s’étreignirent, soulagés et remplis de joie, puis reculèrent, un peu gênés.
-      Allons nous reposer, proposa Nil. Je suis sûr que nous le trouverons demain.
    Ils s’allongèrent dans la grotte et restèrent silencieux. Après quelques longues minutes sans rien se dire, Elena coupa le silence :
-      J’espère que nous serons bien accueillis.
-      Moi aussi, murmura Nil. Mais on n’a aucune raison de s’inquiéter, on n’est pas méchant, non plus !
-      Ils ne le savent pas, là-bas !
-      Ne t’inquiète pas, ce n’est pas comme si tu étais toute seule.
-      Ça veut dire quoi ça, plaisanta Elena.
-      Mais… rien du tout.
     L’adolescente éclata de rire devant le regard gêné de son ami.
-      Ce n’est pas drôle, bredouilla-t-il.
-      Tu as raison, affirma-t-elle après s’être calmée. Mais est-ce que… est-ce que tu comptes retourner à ton village après ?
-      Je ne sais pas. Mia me manque mais… qu’est-ce que je lui dirais à mon retour ?
-      Et tes amis ?
-      Ne me fais pas rire, se renfrogna Nil. Je n’ai personne comme ami. A part Roy, évidemment !
    Elena hocha pensivement la tête puis dit :
-      Et bien nous sommes dans le même cas. Personne ne m’aime, personne ne t’aime !
-      Eh ! Ne dis pas ça ! Qui a dit que personne ne m’aimait ?
-      C’est une simple constatation, soupira Elena. Si tu n’avais rencontré, ni Roy, ni… ni moi, tu serais tout seul avec ta mère.
-      Pourquoi tu dis ça ? C’est vraiment… nul.
-      Il y a toujours quelque chose qui ne va pas avec toi, hein ? Pourquoi je dis ça ? Pour parler, tiens.
-      Et bien, merci de m’avoir fichu le cafard !
    Enervé, Nil sortit de la grotte en courant sans se retourner, malgré les appels d’Elena. Il s’assit quelques centaines de mètres plus loin, contre un arbre. Il repensa à ce que venait de lui dire Elena. Le pire, c’est qu’elle avait raison. Il était bien trop bizarre pour qu’on l’apprécie. Même Elena commençait à le détester. Il renifla, puis la fatigue le rattrapa et il s’endormit.



    Des cris le réveillèrent le lendemain. Il était tout engourdi par sa nuit assise contre l’arbre. Il se leva avec peine et aperçut une silhouette au loin. Elle était un peu chancelante mais restait debout. En apercevant Nil, elle se jeta sur lui. C’était Elena, suivie par Roy. Elle semblait vraiment très fatiguée.
-      Nil ! Je… j’ai eu peur… Je t’ai cherchée toute la nuit… Dire que tu étais juste là ! Ne pars plus. J’ai eu tellement peur !
-      Tu m’as cherchée toute…
    Nil n’en revenait pas. Elle était collée à lui, et le serrait fort contre elle. Soudain, des soubresauts la secouèrent. Elle pleurait.
-      Ne pleure pas ! Je suis là ! Elena ! s’inquiéta Nil.
-      C’est de ma faute si tu es parti… je suis horrible ! Tout le monde me déteste !
    Pour la rassurer, Nil choisit lentement ses mots. Très soigneusement, il murmura :
-      Tu ne te souviens pas de ce que je t’ai déjà dit ? J’ai été très content de te rencontrer parce que tu es… tu es très gentille. Tu es vraiment une amie.
    Elena s’essuya les yeux et les plongea dans ceux de Nil, ce qui le troubla énormément, assez pour avoir l’air d’une tomate. En plus, elle sourit.
-      Merci.
    Baiser sur la joue. Achèvement total. Elena se mit à rire.
-      Ne soit pas gêné par une petite bise !
-      Mais… euh… enfin…
-      Chut ! Il faut partir maintenant !
    Nil hocha la tête, puis baissa les yeux. Roy semblait avoir terriblement faim. Bientôt, ils pourraient tous manger à leur faim. En tout cas, ils l’espéraient.



    Des maisons. Beaucoup. Au moins trois fois plus que dans le village de Nil. Elena et le jeune garçon s’arrêtèrent nets, ébahis. Roy s’agitait dans les bras de Nil. Au bord du village, ou plutôt de la ville, l’océan. Evidemment, Nil et Elena voyaient pour la première fois une telle étendue d’eau.
-      Qu’est-ce que c’est beau, Nil… je n’avais jamais rien vu de pareil.
-      Allons-y !
    Ils dévalèrent la colline sur laquelle ils se trouvaient un instant plus tôt. Ils arrivèrent dans une petite ruelle. Ici, le sol était pavé. Ils marchèrent quelques minutes avant d’enfin rencontrer quelqu’un. C’était un homme, d’une quarantaine d’années. Il regarda bizarrement les deux adolescents, sales, en haillons, seuls, fatigués, amaigris. Lui portait du cuir. Nil et Elena se regardèrent.
-      Vous avez besoin d’aide, les enfants ? demanda l’homme.
-      Euh…
-      Suivez-moi. Vous avez l’air d’avoir faim.
    Un gargouillis de ventre accompagna ses paroles. Il leur sourit et les conduisit jusqu’à une maison en pierre. Il ouvrit la porte. Les deux adolescents étaient bouche bée. Quel était tout ce mobilier ? Les tapis, tellement beaux, les meubles massifs, les escaliers ? Même les murs étaient décorés. Le propriétaire de la maison s’aperçut de leurs mines étonnées et lança :
-      Ce n’est qu’une maison provisoire, je devrais bientôt en changer.
-      Mais elle est magnifique ! fit Nil.
-      Asseyez-vous, plutôt. Je vais vous chercher à boire. Je m’appelle John.
    Les adolescents s’assirent en silence sur un vieux canapé qui leur semblait être un lit de roi. John revint peu après, les bras chargés de victuailles. Il aperçut Roy et demanda :
-      C’est un youm ?!
-      Oui.
-      Oh, c’est tellement rare par ici. Parlez-moi un peu de vous. Vous avez été abandonnés ? Vous êtes des vagabonds ? Ou peut-être des voleurs ?
-      Nous sommes voyageurs, répondirent Nil et Elena ensemble.
-      Oh. Mais quel âge avez-vous ? Et d’où venez-vous ?
-      Nous venons du Nord, plus dans les terres. On a douze ans tous les deux.
-      Vous êtes si jeunes ! Que faites-vous ici ?
-      C’est compliqué, monsieur.
-      Je vois.
    Sa mine s’assombrit et il se leva pour aller prendre une carte. Il revint et dit :
-      Vous venez de ces tribus dans la forêt, n’est-ce pas ?
    Il désigna un point sur la carte et interrogea les deux jeunes du regard. Nil se décida finalement.
-      Oui.
-      Alors vous avez eu de la chance de tomber sur moi. Je vais vous aider. Je suis un archéologue et j’ai un peu étudié vos peuples. Malheureusement, vous êtes considérés comme des aborigènes aux yeux de nombreuses personnes.
-      C’est vrai ?
-      Oui. Mais je peux vous héberger quelque temps, si vous voulez.
-      Vous feriez ça ? s’exclama Elena.
-      Bien sûr ! Je suis tout seul ici. Un peu de compagnie ne me ferait pas de mal. Et je pourrais vous apprendre à vivre ici.
-      C’est si soudain, marmonna Nil. Mais nous serions vraiment contents si nous pouvions rester ici.
-      Et bien, conseil numéro un : prendre une petite douche !



    Nil sourit en sentant l’eau chaude couler sur lui. Tout avait l’air si facile ici ! On tournait un bouton, et de l’eau coulait. Chaude en plus ! Il se laissa couler sous l’eau. Ses cheveux en bataille s’alourdirent sur sa tête. Enfin un peu de calme. Enfin un peu de repos. Roy avait même trouvé une galette de royas. Nil sortit finalement de la baignoire et enfila un peignoir. Drôle de moyen de se sécher ! Il examina les vêtements laissés pour lui et les enfila. Puis il sortit et vit qu’Elena attendait sur le canapé en peignoir.
-      John doit m’apporter des vêtements. Il n’en avait pas ici pour moi. Ça fait bizarre de te voir avec.
-      Tu veux dire que ça ne me va pas ?
-      Mais non, banane.
-      Donc tu veux dire que ça me va bien.
-      Oui… enfin…
    Cette fois, ce fut Nil qui se mit à rire et Elena qui rougit. Ils allaient commencer une nouvelle vie. Ils resteraient sûrement longtemps. Oui, ils allaient vraiment rester longtemps.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Pour laisser un commentaire :
- Ecrivez votre texte
- Cliquez sur "Sélectionner le profil"
- Choisissez "Nom/URL"
- Entrez votre pseudo dans "Nom" et laissez "URL" vide

Voilà, vous pouvez publier !

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...