Chapitre
11
Visite
Quand
Nil se réveilla, il n'ouvrit pas tout de suite les yeux. Il savoura
la sensation d'avoir un drap bien doux et un matelas moelleux sous
lui. Ah ! Puis, il se décida à se lever. Ne voyant pas le
soleil, il se demanda quelle heure il était. Puis, encore plus
intrigué, il se demanda comment les gens pouvaient connaître
l'heure sans soleil.
Il
traversa la chambre pour arriver au lit d'Elena. La voyant, comme ça,
blottie dans son lit, il ne put s'empêcher de sourire. Avant de se
décider à la réveiller, il l'observa quelques secondes. Elle était
si jolie ! Ses bouclettes brunes tombaient sur son oreiller et
ses épaules. Ses yeux verts pétillaient toujours, quelle que soit son humeur. Ils
étaient fermés, mais Nil les regardait si souvent que... La voix
d'Elena le fit sursauter.
« Nil...
Tu es là.
- Oui... Oui, je suis là.
- J'ai faim.
- Euh... D'accord. Moi aussi, un peu.
- Viens, assieds-toi ! »
Nil
mit un instant à comprendre ce que lui proposait Elena. Puis, il
s'assit sur son lit, tout gêné. Elena, encore un peu dans le
sommeil, ne remarqua rien.
« Nil,
je n'ai pas envie de descendre tout de suite. On reste un peu pour
discuter ?
- Ben, euh, si tu veux...
- Tu sais pourquoi j'ai la peau blanche, alors que je vis dans le même endroit que toi ?
- Non.
- Eh bien, dans notre tribu, les bébés ne doivent pas être exposés au soleil. Ce n'est qu'à deux ans qu'il peuvent sortir à l'air libre. Privée de soleil, ma peau n'a pas bronzé fort comme la tienne. Légèrement, comme celle de tous les autres Fô'limann's.
- C'est bizarre. Alors les bébés ne sortent pas jusqu'au jour où ils peuvent marcher ? C'est comme un baptême du soleil.
- Oui, en quelques sortes. Bon, allons manger ! »
Nil
suivit son amie sans rien dire. Pourquoi lui avait-elle expliqué
ça ? Pourquoi avait-elle insisté pour rester au lieu de
descendre manger ? Décidément, Elena était quelques fois
bizarre.
L'homme
les attendait, assis à une table finement taillée dans du bois de
népiléa. La table était recouverte d'une multitude de choses à
manger : miel, mûres, pain gris, galettes de royas, lait de
jument maoké, tous aussi appétissants les uns que les autres. Les
deux amis s'assirent timidement, chacun sur une chaise. L'homme leur
tendit des paniers de fruits pour qu'ils se servent, et dit :
« Nous
ne nous sommes pas bien présentés, hier. Je ne connais même pas
vos noms !
- Je suis Elena, et c'est Nil.
- Ah. Je suis John Cardin. Je travaillais pour une entreprise de transport de marchandise. Mais j'ai été licencié : le patron avait trouvé meilleur que moi. Mais j'ai presque l'âge de la retraite, donc je ne retrouverai plus de boulot. Ma femme travaille encre, moi je m'intéresse à vos tribus.
- Euh...
- Ah, vous n'avez pas compris un mot de ce que je vous ai dit. Bon, dans notre ville, l'argent permet d'acheter des choses. Quand on travaille, on gagne de l'argent. Vous comprenez ?
- Oui...
- Mais parlons plutôt de vous. Vous êtres frère et sœur ? »
Nil
regarda Elena. Elle le regarda. Ils restèrent quelques secondes en
silence. Puis ils répondirent, en cœur :
« Non !
- Oh, pardon. Et... de quelle tribu venez-vous ?
- Je viens du Tîî, le village des Yottominn's.
- Moi du Jalü, le village des Fô'limann's.
- Vous n'êtes pas de la même tribu ?
- Non, répondit Elena. J'ai été bannie de mon village parce que j'étais... amie avec Nil, qui est d'une tribu ennemie. Et lui est venu avec moi car son village a été brûlé par ma tribu, et qu'il n'avait plus rien à perdre.
- Oh. Vous êtes très courageux, les enfants. Je vous admire. Et... Nil, toi aussi, tu es orphelin ?
- Non ! J'ai une mère, elle s'appelle Mia. Je suis enfant unique.
- D'accord, d'accord. Et combien de temps comptez vous rester en ville ?
- On ne sait pas, répliqua Elena. Le temps qu'il faudra. »
Un
silence pesa sur la pièce jusqu'à la fin du repas. On entendait
juste les bruits de dents de Roy. Quand chacun eut terminé de
manger, John proposa d'aller faire un tour en ville, pour la faire
visiter au deux... euh, pardon, aux trois amis. Nil et Elena
acceptèrent et montèrent s'habiller. Il ne parlèrent pas. La
question de l'homme les travaillait. « Vous êtres frère et
sœur ? » La question paraissait à première vue tout à
fait ridicule, mais, si on y réfléchissait, pas tellement. Aucun ne
fit part de ses doutes. Ils s'habillèrent des habits de la ville et
rejoignirent John en bas.
La
ville était immense. Au moins dix fois la taille du Tîî, d'après
Nil. Les deux enfants furent très impressionnés par toutes les
boutiques, les marchands ambulants et le marché. Tant de choses
colorées et odorantes réunies dans un même endroit !
Incroyable. Elena lorgna un stand de jolis tissus, et John le
remarqua. « Allez, choisis-en un, je te le paye. » fit-il
à la jeune fille. Elena, troublée, en choisit un rouge avec des
formes bleues et vertes. John paya et ils s'éloignèrent.
Elena
ralentit un peu, faisant signe à Nil de venir près d'elle. Nil
obéit. « Tu trouves ça joli, Nil ?
- Ton foulard ? Euh... Oui.
- Vraiment ?
- Ben, c'est très voyant par rapport aux choses que portent les femmes, dans la forêt. Mais c'est joli.
- Mmh. Nil, dis-moi, on partira quand de la ville ?
- On ne sait pas. On y restera le temps qu'il faudra, plaisanta Nil.
- Non, mais vraiment ! C'est sérieux ! Notre chaman, avant de devenir fou, disait que le ville était très dangereuse. Donc je...
- Oh, ça n'a pas l'air si dangereux que ça ! Et puis je me plais, ici. Mais c'est vrai que Mia me manque. Et puis... Il faudra que l'on rentre un jour, on ne peut pas rester éternellement chez cet homme. On choisira le bon moment. Mais restons quelques moi, quand même !
- Oui... De toutes façons, je n'ai plus de maison. Plus de village. Et je doute que, si on rentre, les membres de ta tribu m'acceptent chez eux. C'est moi qui ai tout déclenché, Nil ! C'est à cause de moi que ton village est réduit en cendres.
- Non ! Tu dis n'importe quoi, arrête. Ce n'est pas de ta faute. C'était votre chaman qui avait prévu qu'on vous attaquerait, non ?
- Si, si.
- Ben alors ! Ne culpabilise pas comme ça, ce sont les adultes qui sont bêtes. Ils font toujours la guerre. »
Elena
resta silencieuse, et Nil réfléchit à toute cette histoire. Il
avait quitté son village sous prétexte qu'il accompagnait Elena.
Mais Mia devait être horriblement inquiète ! Et il avait tout
laissé, tout arrêté, comme ça, d'un coup. Il n'avait pas terminé
son apprentissage. S'il ne revenait jamais, il ne recevrait jamais
son nom de guerrier. Il fallait qu'il rentre ! Il fallait
qu'il retrouve Mia.
Le
petit groupe arriva devant un grand monument : une église.
Quelques personnes se retournèrent à la vue de Roy, ce qui inquiéta
Nil. L'homme, comme s'il avait lu dans ses pensées, expliqua :
« Certaines
personnes très croyantes croient que le youm est envoyé par le
Diable. Avant, il était chassé. Tout le monde le croyait maléfique.
Voir un youm est maintenant assez rare, ils ont presque été
exterminés. Tu as de la chance que Roy ne soit pas mort. »
Nil
pris son ami dans ses bras, comme pour le protéger. Hors de question
que qui que ce soit le touche !
Après
l'épisode de l'église, Nil devint plus méfiant envers les gens de
la ville. Il ne parlait que pour répondre à quelqu'un, et essayait
de ne pas se faire remarquer. Elena et lui mirent une bonne semaine à
visiter chaque recoin de la ville. C'était tellement immense !
Ils ne se lassaient pas de toutes ces cabanes regroupées et serrées,
de tous ces gens pressés, de toutes ces choses différentes à
manger. Et John leur faisait découvrir des jeux et des endroit à
chaque fois plus passionnants. Ils mangèrent même une fois dans une
auberge, pour fêter... Pour fêter le fait d'être ensemble.
Nil
et Elena expliquaient leur vie dans la forêt à John, très
intéressé. Et lui les habituait à la ville et au choses modernes.
Les trois humains s'entendaient bien. Roy restait un peu en retrait.
Nil remarquait bien que son ami regrettait la forêt. Et il prévoyait
de partir bientôt. Mais à chaque fois il remettait leur départ à
la semaine prochaine. Il ne voulait pas arracher Elena à la ville,
voyant bien qu'elle s'y plaisait.
Chaque
soir ou presque, Nil et Elena discutaient dans le noir. Ils parlaient
de leur village, de leur vie d'avant, il négociaient sur le bon
moment pour rentrer... Et Roy les écoutait.
Un
jour, alors que John n'était pas là – un repas avec un ami –
Elena et Nil se disputèrent. Le garçon avait essayé d'annoncé
leur départ à son amie, mais Elena l'avait devancé.
« Nil,
je voudrais rester toute la vie ici. Et si on le faisait ?
- Non ! Tu es folle, je veux revoir Mia. Et nous n'allons pas déranger cet homme plus longtemps. Nous partirons bientôt.
- Oh, évidemment, c'est toi qui décide. Môssieur choisit ce qui lui fait plaisir. Espèce d'égoïste !
- Mais tu ne comprends rien, Elena. Nous devons retourner chez nous ! Nous ne sommes pas faits pour vivre toujours dans la ville ! J'ai besoin de revoir la forêt.
- Je n'ai plus de chez moi, hurla Elena, en larmes. Je suis bannie ! Tu comprends, ça ? Ban-nie ! Je n'ai plus de famille, plus de maison, plus de village, plus de tribu. Je ne suis personne. Avant même d'être exclue de mon village, certaines personnes me regardaient d'un mauvais œil. Je n'avais rien fait, mais ils me regardaient comme si j'avais tué quelqu'un ! Je suis maudite. Personne ne m'aime. »
Nil,
sonné par le discours d'Elena, ne dit rien. Elena le fusilla du
regard et monta dans leur chambre en tapant des pieds. Vérifiant
qu'elle était partie, Nil murmura pour lui même :
« Si,
moi je t'aime, Elena. »
Il
caressa Roy en soupirant. Mia lui manquait terriblement. Mais il ne
pouvait se résoudre à quitter Elena en la laissant ici.
Je tiens à dire qu'Elena a les yeux verts. :3
RépondreSupprimerAh ? Et pourquoi tu dis ça ? J'ai fait une faute ?
RépondreSupprimerOh oui !!! J'avoue, tu as raison, désolée. Je vais tout de suite changer le "Ses yeux bruns étaient parfaitement assortis." en "Ses yeux VERTS..."
RépondreSupprimer:) Merci de me l'avoir dit !