Vendredi
09/10. 19 : 56.
Il
m’attendait, ce matin, à l’école. Il était à la place où je
lui ai dit bonjour le premier jour. Le coin de la cour. Je l’ai
rejoint et je me suis assise par terre, à côté de lui. Il n’a
rien dit. Il regardait un point de la cour, fixement. J’ai suivi
son regard, et j’ai enragé. Il regardait Anaïs. Grande, blonde,
des yeux bleu foncé et des robes courtes à fleurs. Je ne peux pas
dire qu’elle est moche. En plus, elle est gentille. Elle n’a
aucun défaut, c’est ça le pire : je ne peux l’accuser de
rien.
« Elle
s’appelle comment ? »
C’est
Mathis qui m’a tiré de mes pensées. J’ai répondu, l’air de
rien.
« De
qui tu parle ?
Tu
le sais très bien. Tu la regardes comme moi depuis cinq minutes.
Oh,
elle… Gertrude. Elle s’appelle Gertrude.
Je
sais, c’est honteux, mais je n’ai pas pu m’empêcher. C’était
trop tentant.
« Éloïse…
Je sais très bien qu’elle ne s’appelle pas comme ça. Tu es
jalouse, on dirait…
Quoi ?
N’importe quoi ! Je ne suis pas jalouse du tout ! Vas-y,
va lui demander, je m’en fous ! Demande lui de sortir avec
toi, tant que tu y es !
Mais
qu’est-ce que tu racontes ? Tu es…
Mathis.
Arrête, c’est bon. T’es dans une nouvelle école, t’es
heureux, tant mieux pour toi. Vas-y, je te dis.
Mais
non ! Je lui veux rien, à cette fille ! Je… C’est…
En fait… »
Il
n’a pas essayé de finir sa phrase, la cloche de notre école –
on l’appelle la vielle mamie – a sonné. J’ai eu une heure de
Français, puis l’heure de Latin est arrivée. On s’est assis à
côté, malgré notre petite dispute. Le prof était de très
mauvaise humeur, alors on n’a pas essayé de se parler, Mathis et
moi. Il m’a passé un petit papier roulé en boule. Je l’ai
ouvert.
« Pourquoi
tu as réagi comme ça ? Je ne lui voulais rien du tout, à
cette fille… Je connais même pas son nom ! »
Je
ne savais pas trop quoi répondre. Lui dire la vérité ? Oui,
c’est ce que j’ai fait. « En fait, je crois que je t’aime
bien… »
Je
lui ai glissé le message dans la main, puis je me suis plongée dans
mes exercices. Je l’observais du coin de l’œil pendant qu’il a
lu le papier. Il a eu l’air étonné. J’ai eu peur. Le mot a
atterri juste devant mon nez, plié en quatre. Je l’ai ouvert et
mon cœur a fait « youppie/ au secours ».
« Ben
moi aussi... je pense que je t'aime. »
J'ai
levé la tête. On est restés là, comme ça, les yeux dans les
yeux, pendant un petit moment. Puis on a éclaté de rire ; on
ne pouvait plus s'arrêter !
Ah,
la vie !
...
J'aime Mathis !
FIN