Chapitre 6
J'ai dû m'endormir. Oh, pas longtemps, mais assez pour
ne plus me souvenir d'où je suis quand j'ouvre les yeux. Je me
souvient m'être de nouveau disputé avec Canon avant de dormir. Je
lui ai envoyé un coup de poing, je crois. Je ne sais plus.
Je dois avoir raison, car il est blotti dans un petit
coin, à l'autre bout de la pièce. Il pleure, je pense. Ce n'est pas
important. Autant le laisser pleurer, c'est même tout à fait
normal. On va mourir. Ou être exilés à vie. Super programme !
Donc voilà, Il est roulé en boule, loin de moi, je le
laisse tranquille. Vaut mieux qu'il pleure toutes ses larmes pour
avoir un minimum de dignité au moment du procès. Je ne supporterais
pas d'avoir un pleurnichard à côté de moi pendant un moment
important de ma vie ! Ou de ma mort, faut voir.
* * *
Je n'en peux plus de cette petite pièce puante. Je me
sens nerveux, j'ai envie de tout casser. J'ai peur. Pas de mourir.
Mais je déteste être enfermé. J'ai horreur de ça. C'est peut-être
pour ça que le destin a voulu que je sois orphelin... et libre.
Aller ou je veux, sans règles, sans lois, sans personne pour me
l'interdire ! Ce n'est pas magnifique ?
Mourir, mourir. Je ne pense plus qu'à ça. Comment ça
sera ? Oui, je sais que je vais mourir. Car même si je suis envoyé
aux galères, je risque de mourir de faim ou de fatigue. Peut-être
que je le méritais.
Peut-être que je n'ai pas bien utilisé la chance que
j'avais d'être libre. J'aurais peut-être dû faire des bonnes
actions, comme recueillir d'autres orphelins dans ma maison.
Mais oui, c'est ça. C'est pas du tout mon genre, de
faire la charité ! Tant pis pour les autres !
Ils avaient qu'à avoir de la chance. Et un peu
d'intelligence.
* * *
Je vais devenir fou. Fou ! Trois jours que je suis dans
cet horrible prison ! Et sans personne qui vienne nous rendre visite.
Enfin, j'exagère. Deux fois par jour, quelqu'un vient nous servir du
pain et un peu d'eau. C'est déjà pas mal. C'est pas mes bonnes
brioches, mais bon.
Trois jours ! Mais qu'on en finisse, une fois pour
toutes ! Je veux sortir de ce trou à rats.
Canon radote toujours sur La Bande qui est censée venir
nous chercher. Quel imbécile. Il refuse de voir la vérité en face.
Canon. Quel nom débile pour un chiffe molle comme lui.
Il pleurniche et ne bouge pas, sauf quand on nous apporte à manger.
Un vrai petit enfant. Oh, Mamaaaan ! Viens me chercher !
Pfff !
* * *
Je n'ai rien écouté au procès. J'étais sur un espèce
de nuage, loin de tout, de tout le monde.
Trois gardes sont venus nous chercher, et j'ai presque
sauté de joie. Canon s'est arrêté de pleurer, et à paru surpris.
Puis il a fait une tête effrayée, moche.
Ils nous ont amenés dans un grande salle, avec pleins
de sièges en rond autour d'une barre et d'un grand bureau – celui
des juges. On nous a poussés à la barre Canon et moi. Aucun moyen
de s'enfuir. J'avais envie de rappeler à Canon sa promesse. « Ils
vont venir, Ils vont venir ! » N'importe quoi. Menteur.
* * *
Le juge principal fait son petit discours, avant de dire
nos peines. Et blablabli, et blablabla ! Tous pleins de mots pour
deux vies gâchées. Tout pleins de mots, sans signification. Je suis
redescendu de mon nuage, j'attends que le sentence tombe. Mon cœur
bats de plus en plus fort. Peut-être que j'ai peur.
« Jeunes hommes. Vous avez commis un grave délit de
vol dans une maison, la nuit, et de surcroit en cassant une fenêtre.
»
Je sais qu'il a raison. Mais la manière avec laquelle
il le dit, ça me hérisse les poils. Comme si c'était aussi simple
! Vol dans une maison, la nuit, et de surcroit en casant une fenêtre.
« C'est pour cette raison que vous subirez une peine de
sept ans. Vous passerez sept années dans une galère, après quoi
vous serez libre... »
Si on n'est pas morts ! Oh, ça se voit que ce n'est pas
lui qui va les passer, ces sept années sur un bateau miteux. Il doit
en infliger tous les jours, des peines horribles. Sans jamais ce
rendre compte du désespoir que ses mots provoque chez les coupables.
Quel monstre !
« Vous serez transférés dans un pénitencier près de
la côte, et attendrez une galère. »
Oui, tout à fait. On attendra notre galère. La galère
totale. Jusqu'à ce que mort s'ensuive.
Oh, pourquoi, pourquoi je me suis laissé embarquer dans
ce cambriolage ? Pourquoi ? Je n'aurais pas dû...
La salle est vide. Pas grand monde pour nous empêcher
de partir. Je pourrais peut-être essayer de m'enfuir... Non, c'est
impossible. De toutes façons, le procès est bientôt fini, on va
nous ramener dans notre cellule avant de nous transférer autre part.
Ballotés, trimbalés. Comme des bêtes.
Des pas. Des pas précipités, juste dans le couloir qui
borde la salle du procès. Des cris d'une femme. Que ce passe-t-il ?
Une femme - sûrement celle qui a crié - entre, tandis
qu'un garde tient la porte, visiblement choqué. Tous les regards se
tournent vers elle. Elle est toute fine, un peu âgée. Mais elle a
du caractère, ça se voit – et s'entend.
Elle repère le juge principal et s'incline légèrement,
avec un peu d'insolence dans le regard.
« Je vous prie de m'excuser, monsieur.
- Oui, eh bien, parlez !
- Je suis ici pour... Pour venir chercher mon neveux. Nelson Parkner. »
Son regard balaie la salle et s'arrête sur Canon,
pleurnichant à côté de moi. La femme ouvre grand les yeux, pousse
un cri, et se précipite sur lui.
Canon, qui évidement ne comprend rien à ce qui se
passe, est tout étonné par le bras de la dame autour de ses
épaules. Il a un petit air ahuri d'une poule perdue dans la rue. Moi
non plus je ne comprend rien. Et les juges non plus.
« Oh, pardon, s'excuse la dame en s'écartant de Canon.
Je me présente, Lauryn Parkner. Ce jeune homme est mon neveux. Quand
sa mère est morte, mon frère n'a... n'a... pas survécu à la mort
de son épouse, et il s'est donné la mort, laissant leur enfant
seul. Hélas, le temps que l'on me prévienne, la bébé avait
disparu. Envolé. On a trouvé la maison vide, une fenêtre cassé.
C'était un mois après... le mort de mon frère, John Parkner. Des
voleurs avaient dû cambrioler la maison inoccupée et emporter le
bébé. Alors j'ai...
- Madame. Je crois comprendre dans vos propos que... Que ce garçon est votre neveux.
- Oui ! Oui, c'est mon neveux. Je suis sa tante ! Tu ne te souvient pas de moi, Nelson ?
- Eh bien, Madame, écoutez. Ce jeune homme a commis un grave délit. Il est entré dans une maison par effraction, de nuit et avec d'autre personnes. De pouvant pas payer l'amende habituellement prévue pour ce crime, il est condamné à sept ans de galères.
- Oh, je paierai ! Je paierai aussi l'amende de cet autre garçon. Je vous en prie ! Rendez-moi mon neveux ! Quand j'ai vu sa photo dans le journal, j'ai tout de suite su que c'était lui. Il ressemble tellement à son père... Oh, mon petit. Que je suis contente de...
- Alors, madame, si vous payez leur dettes envers la Loi, ils sont libres.
- Merci ! Merci ! Merci beaucoup monsieur. Et pardonnez-le, c'est encore un enfant...
- Qu'on les raccompagne à la porte ! »
Ce n'est pas possible. Je dois rêver. Je suis libre.
Libre. Le juge, qui dix minutes plus tôt nous condamnait, nous
libère par la suite ! C'est invraisemblable. Je n'arrive pas à y
croire. Canon, ce pleurnichard, m'a sauvé la vie !
Il y avait un part de vérité dans ce qu'il disait. La
Bande n'est pas venue, mais sa tante... Sa tante est venue.
Nelson Parkner. Canon.
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