La partie 4 du "Journal de Mathis". Bonne lecture !
Mercredi
30 septembre. 10 heures 11.
Lilas…
Je
ne vais pas en classe aujourd’hui. Papa et Maman ont trouvé que
j’avais raison, qu’ils n’auraient pas dû prévenir le
directeur sans me demander. Ils se sont excusés. Et ils ont bien
voulu que je n’aille pas à l’école pour le moment. Je sais que
c’est temporaire, mais c’est déjà bien…
Une
pause pour mon moral. Je ne regarde pas dans la boîte aux lettres.
Je suis devant la télé, j’ai coupé le son pour t’écrire.
En
fait, je me rends compte que, à part Nawel, personne n’est au
courant que je t’écris. Et c’est très bien come ça. Papa
m’enverrait voir un psychologue, il dirait que c’est mieux qu’un
journal. Je te préfère toi. Tu ne me juges pas, tu n’es pas
payant, et je peux t’écrire quand je veux. Tu es beaucoup mieux.
Je
revois sans arrêt la scène d’hier soir dans ma tête. Sans faire
exprès, sans le vouloir. Solal, son sourire, la douleur à mon nez,
la pression sur mes épaules, la douleur à mon genou et mon ventre,
mes larmes, les paroles de Solal et des autres. L’intervention du
monsieur, le T-shirt trop grand, le chocolat chaud, puis l’arrivée
de Papa.
Je
ne pourrai jamais retourner à l’école. Sinon, ils me frapperaient
tous les jours. Je vais finir ma vie, enfermé dans la maison de mes
parents.
Emprisonné.
Jeudi
1 octobre. 16 heures 34.
Vert…
Ce
matin, Maman m’a fait visiter une école. C’était bizarre de
voir des élèves en cours alors que moi, j’étais avec ma mère.
Elle avait l’air pas mal, cette école. Un peu trop loin de notre
maison à mon goût, mais bon.
Maman
a parlé longuement avec la directrice, moi j’étais à côté,
assis, et je répondais aux questions qu’on me posait, comme un
robot.
«
Quel âge as-tu, jeune homme ?
- Onze ans.
- Et pourquoi changes-tu d’école en début d’année ?
- Ma mère vous l’a déjà dit
- Mais toi, qu’en penses-tu, jeune homme ?
- Je pense que ça va recommencer ici avec d’autres personnes.
- Hmhmm. Et, euh, es-tu bon à l’école, dans l’ensemble ?
- Oui, je pense.
- Donc tu penses pouvoir “prendre le train en marche” ?
- Euh… Oui.
- Que penses-tu de notre école, en la voyant juste comme ça ?
- Pas mal. Un peu petite mais pas mal.
- D’accord… »
Tout
en me parlant, la directrice m’observait. Elle m’examinait, plus
précisément. Je me sentais tout nu.
Demain,
j’irai dans cette nouvelle école. Les démarches à faire pour
m’inscrire ne sont pas finies, mais la directrice a proposé que je
vienne déjà demain. Elle trouvait inadmissible que je n’aille pas
à l’école durant plus de trois jours.
Bref,
demain je suis transvasé là-bas. Maman m’emmènera en voiture
pendant les premiers mois.
Demain
: nouvelle vie.
Vendredi
2 octobre. 17 heures 20.
Roux…
Je
suis allé dans ma nouvelle école ! J’y suis allé !
Je
te raconte…
Comme
prévu, ce matin, vers 7 heures 45, départ pour l’école. Je suis
arrivé, timide, dans la petite cour de cette petite école. Certains
élèves se sont retournés, étonnés de voir un nouvel élève. Ils
n’ont pas été méchants, mais pas tellement gentils non plus.
Indifférents, je dirais.
Les
cours se sont bien passés. Je n’ai rien dit durant toute la
matinée, mais les profs étaient sympas avec moi.
Puis,
la cloche du début de récréation a sonné. Une grosse cloche
d’église, rouillée, qui faisait un son très grave. Genre vieux
film en noir et blanc.
Je
me suis assis dans un coin de la cour, et j’ai regardé les autres
jouer. En fait, j’étais jaloux. J’observais un match de foot,
quand une voix m’a fait sursauter.
«Tu
es nouveau ici, non ?»
Une
fille rousse. Taches de rousseurs partout sur le visage, jusque dans
le cou.
«
Oui… Oui je suis nouveau.
- Tu t’appelles comment ?
- Mathis.
- Ben, tu ne me demandes pas comment je m’appelle ?
- Euh… Si, si. Comment tu t’appelles ?
- Eloïse !»
Elle
a rigolé.
Ses
yeux verts sont magnifiques quand elle rit. Et ses cheveux…
…Roux.
Eloïse.
Magnifique
journée.
Mathis
a encore rempli plusieurs carnets dans sa vie. Mais jamais il ne
s’est relu. Jamais il n’a été corriger son passé. Il l’a
laissé tranquille, qu’il soit bon ou mauvais.
Et
il a vécu dans le présent.
Eh,
oui, un garçon peut écrire un journal intime...
Absolument
!
Eloïse.
J'aime beaucoup ta conclusion, comme quoi "Jamais il n’a été corriger son passé. Il l’a laissé tranquille, qu’il soit bon ou mauvais".
RépondreSupprimerSi j'ai bien compris, je passe maintenant au Journal d'Eloïse =)
Merci !
SupprimerOui, tu peux passer à "Journal d'Eloïse"... Mais ce n'est pas le même genre. Cela en parle pas de racisme. Il n'est pas trop mal, mais je préfère quand même le premier, "Journal de Mathis". Cest comme beaucoup de films : on adore le 1, et souvent, le 2 est moins bien.
Mais tu peux le lire !