dimanche 20 janvier 2013

Partie 4 (Journal de Mathis)


Voici "Journal de Mathis", partie 4.
Bonne lecture ! 



16 heures 46.


Pas de repos pour moi aujourd’hui. Snif. J’ai trouvé dans la boîte aux lettres une dizaine de feuilles, pas timbrées, sans enveloppes. Elles étaient remplies d’insultes et de dessins de babouins. Pour moi. Merci les amis…
Solal avait tenu sa promesse. Il ne m’avait pas oublié.
Maman a vu les feuilles. Elle les a lues, puis les a déchirées en petits morceaux avant des les jeter.




Lundi 28 septembre. 17 heures 03.


Doré…


Journée très bizarre. Quand je suis arrivé en classe, Solal m’attendait. J’ai eu peur et j’ai essayé de l’éviter. Mais il m’a rattrapé et m’a dit :
«Eh, salut Mathis, ça va ?»
C’est pas une blague. Il m’a vraiment dit ça. J’ai été vraiment choqué. Ses copains sont aussi venus pour me dire bonjour. Je ne comprenais plus rien du tout. Quoi ? Ils n’étaient plus racistes ? Ils ne me traitaient plus de babouin ? J’avais la désagréable impression d’avoir raté un épisode. Mais je les ai laissés faire, je n’allais quand même pas leur rappeler qu’ils étaient censés être méchants.
Et ça a continué comme ça toute la journée.
« Mathis, tu va t’asseoir où ?
  • Tiens, tu veux passer devant moi ?
  • Regarde, je t’ai gardé une place.
  • Tu veux mon dessert ?»
Incompréhensible, mais amusant. C’est chouette de se faire chouchouter, d’être aimé.
Et même quand Maman est venue me chercher en voiture, ils ne se sont pas moqués.
Bizarre, bizarre, autant qu’étrange…




Mardi 29 septembre. 19 heures 24.


Brunâtre…


J’ai compris. Les salauds. Je les déteste. Les espèces de… !
Mais je vais te raconter dans l’ordre. Commencer par le commencement.


Je suis arrivé à l’école, comme d’habitude. Solal et sa bande m’ont bien accueilli, comme hier. Toute la journée s’est bien passée, comme un rêve. Ils ont tous été gentils.
Jusqu’au moment où…
Quatre heures et demie, je suis sorti de l’école, seul. Et eux, ils m’ont tout simplement attaqué. Parfaitement. Oui, oui. J’avais quitté l’école depuis à peine cinq minutes. Ils m’ont sauté dessus.
Ils m’ont bloqué contre un mur. Deux d’entre eux, dont Laurent m’ont tenu les épaules en serrant très fort. J’étais coincé. Foutu.
Solal m’a crié :
«Tu leur as tout balancé, hein ! P’tit con. J’t’avais dit que tu serais “couic” si tu leur disais. T’as fait le choix de mourir, tant pis pour toi. Babouin !
  • Ouais, tu vas crever, conard !
  • Sale noir !
  • T’as rien à faire ici !»
Je n’ai rien compris. Mais ils ne m’ont pas laissé le temps de réfléchir.
Solal m’a frappé le premier. Je n’ai pas vu son poing arriver. Paf ! Mon nez a saigné comme une fontaine. Mon T-shirt est devenu brunâtre. Solal a souri. Un vrai sourire, franc. Il avait l’air vraiment heureux. Et moi, mon nez pissait le sang.
Maxime a frappé en deuxième, coup précis et vif à mon genou. J’ai commencé à pleurer. La douleur était insupportable. Le sang de mon nez se mélangeait à mes larmes. C’était dégoutant.
J’ai lancé un coup de coude dans les côtes d’un gars. Je n’ai pas vu son visage. Je frappais au hasard, n’importe où. J’ai senti une douleur au ventre, j’ai pleuré plus fort.
Enfin, un monsieur est sorti de la maison devant laquelle Solal m’avait coincé. Il a hésité quelques secondes – un gars a eu le temps de me flanquer un coup de pied. Puis, il s’est décidé, et a hurlé sur Solal, qui a sursauté. Le monsieur a écarté les garçons de moi, puis il les a chassés.
Il m’a fait entrer dans sa maison, sans me demander mon avis, puis a fermé la porte. Je n’avais pas trop le choix. Il m’a nettoyé le nez, m’a passé un autre T-shirt et m’a préparé un chocolat chaud. Il n’a pas posé de questions. Moi, je me demandais ce que je faisais ici, chez un monsieur que je ne connaissais pas, avec un T-shirt trop grand pour moi.
Quand mon bol de chocolat a été vide, le monsieur m’a demandé le numéro de téléphone de mes parents. J’ai donné celui de mon père.
Papa est venu me chercher au bout de vingt minutes. Je n’ai pas sauté dans ses bras. Je lui ai pris la main et j’ai dit au revoir au monsieur. Papa l’a remercié, encore et encore.
Je lui ai tout raconté, arrivé à la maison. Je pleurais en parlant. Puis il m’a demandé :
«Tu veux venir sur mes genoux, Mathis ?
  • Oui…
  • Allez viens. C’est fini.
  • Je ne… – hoquet – …comprends pas. Je n’avais rien dit aux professeurs. Je l’ai juste dit à vous.
  • C’est nous qui avons appelé le directeur de ton école. Nous n’aurions peut-être pas dû…
  • Quoi ?! C’est… C’est vous ! Oh, je vous déteste ! Je vous avais dit de ne pas le faire ! »
J’ai sauté des genoux de Papa. Mon hoquet était parti. J’étais furieux, et je le suis toujours. Pourquoi ils ont fait ça ? C’est leur faute, si Solal est sa bande m’ont frappé ! Je les déteste, je les déteste !


Tout s’explique, alors. Voilà pourquoi Solal et sa bande étaient gentils, hier et aujourd’hui. Parce qu’il y avait les professeurs qui veillaient. Ils savaient qu’à la moindre méchanceté, ils seraient pris. Mais dès qu’ils ont pu, ils se sont vengés.
Les salauds. Je les déteste. Je déteste tout le monde.
Je ne peux pas retourner à l’école. Je ne veux pas retourner à l’école.
Je suis mort.




9 commentaires:

  1. Ce que j'aime bien dans cette partie, c'est que tu abordes aussi les personnes qui se bougent Comme les parents, et le monsieur qui aident Mathis.
    Je pense que tu as compris, je reviens demain pour lire la suite ^^ Voir ce qui arrive à Mathis, et comment ça va se passer pour Solal et ses copains.

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    1. Oui, et j'ai surtout compris que tu aime bien le sujet que j'ai abordé. Je trouve ça super que tu commentes chaque partie que tu lis ! Merci ! Une par jour, pas plus pas moins, c'est bien !

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    2. C'est vrai, j'aime bien ce sujet car je trouve que l'on n'en parle pas assez ;-)
      En plus, j'ai lu La couleur des sentiments et le premier tome de Entre chiens et loups, il y a seulement quelques jours. Alors c'est en plein dans le sujet, et ça me travaille ... j'ai du mal à me dire que l'on est en 2013 et qu'il y a encore des gens racistes, alors que l'on a tous des origines.

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    3. Tu as lu "La couleur des sentiments" ? Ma mère l'a, et j'hésite un peu à le lire. Il n'est pas trop compliqué ou difficile ?
      Sinon, pour le sujet du racisme, c'est vrai qu'on en parle pas beaucoup... Enfin, un peu, mais par-ci par-là, par petites touches, dans les livres. Les livres concentrés sur le racisme ne sont pas nombreux.
      Quoique, j'ai reçu un livre appelé "Le racisme expliqué à ma fille", qui est très bien. L'auteur répond à des questions innocentes de sa fille, sur ce sujet délicat.

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    4. Oui, je l'ai lu (La couleur des sentiments); et j'ai vu le film aussi. Le livre n'est pas très compliqué ;-) Et surtout, il est très beau. Le film est pas mal ... mais moins bien que le livre.

      Je vais commencer un livre qui s'appelle "La fille tombée du ciel". Je crois que le racisme y est abordé. J'en saurais plus en le lisant ^^

      "Le racisme expliqué à ma fille" a l'air pas mal. Si j'ai l'occasion de le lire, je le ferai =)

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    5. Oui, oui, il est très bien. On peut le croire un peu trop sérieux, mais les questions de la fille sont parfois très amusantes, innocentes, voire mignonnes. Bon, ce n'est pas non plus le livre le plus drôle du monde, mais il est vraiment bien fait, et intéressant.

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  2. C'est l'éternel problème de la délation de ce genre de pratiques... mais comment les choses peuvent-elles évoluer si l'on ne dit rien ?
    Dave Gahan (Depeche Mode ♥) a dit "A une époque, on ne pouvait plus parler entre nous. Pourtant, il faut dire ce que tu penses, même si tu n’obtiens pas ce que tu veux, il faut être capable de s’exprimer." → mais cette expression peut amener des dérives pas forcément souhaitables...
    Cependant, si les dessins de babouins et les insultes ont été glissés dans la boîte à lettres de Mathis, ses parents y ont facilement accès vu que c'est la leur, donc Solal & co furent un peu idiots (euphémisme, voyez-vous ^^) puisqu'ils étaient quasi sûrs de se faire prendre... ce n'est donc pas la faute de Mathis : ils se sont fait prendre à leur propre piège ! M'enfin les racistes sont stupides à la base donc faut pas chercher plus loin ;-) bon texte en tout cas, la rage se ressent admirablement !

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    1. Merci beaucoup, je suis contente que ça te plaise :) Je n'ai pas l'habitude que les gens fassent de si longs commentaires à mes textes... Mais c'est chouette, Merci !

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    2. De rien ;-) haha il m'est arrivé quelques fois de faire des commentaires plus longs que le texte, si tu savais :-D encore de rien :-)

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