Chapitre 14
Enfin... Maintenant, j'y suis,
j'y reste. Pour l'instant. Mais, ce que disait Joséphine est vrai. J'ai un
toit, à manger, un lit et de la chaleur. Je me demande même si on ne va pas me
donner de nouveaux habits... Je suis soumis, ici, mais j'ai le minimum pour
vivre – et même un peu plus que le minimum. De quoi je me plains ?
De toutes façons, j'aurais fini
comme ça, d'une manière ou d'une autre. C'est inévitable, pour des gens
« comme moi ».
Le lit est modeste, mais je n'ai
pas froid. Les maitres font quand même un peu attention à leurs domestiques.
Joséphine ronfle. J'espère que je vais quand même pouvoir m'endormir !
Ah, ça fait quand même du bien
d'être dans un lit – même modeste. La soirée a été éprouvante. Après avoir
mangé avec Joséphine, il a fallu débarrasser la table des maîtres. Mais
attention, ils ne fallait pas les déranger alors qu'ils étaient au salon à
côté !
J'ai écouté un peu les
conversations. Pour voir de quoi parlent les gens chics. Le prix des légumes,
les potins sur le boulanger et sa femme, rien de très intéressant. Mais j'ai quand
même appris qu'il y avait trois enfants dans la maison : la fille que j'ai
vu, un plus petit garçon, et un tout petit bébé. La fille s'appelle Mary, si
j'ai bien compris. Joli nom, pour une fille aussi odieuse.
Bon, allez, bonne nuit, moi-même.
* *
*
C'est le matin. Il est six heures
trente, et le valet m'a réveillé. Il dit que Joséphine est déjà à la cuisine en
train de préparer le petit déjeuner. Il m'ordonne de me dépêcher. Je m'exécute,
et j'enfile mes habits – sales et puants – avant de me précipiter à la cuisine.
Je ne sais pas pourquoi, je suis tout excité. Voilà le premier jour complet que
je vais passer à cette maison. Et j'aime me le ver tôt. Cela me rappelle chez
moi, quand je me levais à l'aurore pour aller me balader.
Joséphine m'accueille à la
cuisine. Elle a l'air plutôt de bonne humeur.
« Bonjour, euh...
–
Appelez moi Gamin. Et bonjour à vous.
–
Tu peux me tutoyer, Gamin. Viens m'aider à dresser les assiettes du
déjeuner. Regarde, un petit croissant, un peu de confiture, et du pain. Comme
ça.
–
D'accord... Et, euh, les maîtres ne vont pas me donner de nouveaux
habits ? Enfin, je veux dire... je ne suis pas présentable.
–
Oh, oui, tu as raison, Gamin. Je demanderai à Mike d'en parler aux maîtres.
Maintenant, dépêche-toi. Je ne veux pas que les maîtres aient une mauvaise
image de toi, si tu es en retard. Je serais punie pour avoir ramené un
incapable. Mais je pense que tu n'est pas un incapable. Tu n'est juste pas
habitué à travailler beaucoup. »
Je n'ai rien dit, de peur de
paraître impoli. Alors je me suis mis au travail. Un petit croissant, un peu de
confiture et du pain. Encore et encore. De temps en temps, Joséphine faisait de
petits commentaires.
Je travaille comme ça jusqu'au
réveil des maitres. Mike leur apporte le petit déjeuner, et enfin on peut
manger. Du pain gris et du beurre, avec de la confiture. Pas de croissant, mais
je ne me plains pas. Du moment que je peux manger...
Ensuite, Mike a débarrassé la
table des maitres et Joséphine et moi avons fait la vaisselle. Il n'y a rien de
plus ennuyant que de faire la vaisselle ! Laver, sécher, ranger. Laver,
sécher, ranger... Pfff.
Enfin, après la vaisselle,
Joséphine m'informe que je peux me reposer une heure avant la préparation du
repas suivant. Et elle me donne mes habits pour la maison. Ils sont propres et
doux, rouges foncés. Avec des souliers en cuir. Quel luxe ! Je n'ai jamais
porté des vêtements comme ça.
Je me dépêche d'aller dans la
chambre des domestiques pour me changer. Habillé, je sors dans le couloir pour
m'admirer dans une glace. Ils y a un grand miroir dans l'entrée. Waw ! Je suis trop beau avec
ça !
« Qu'est-ce que tu
fais ? »
C'est la fille que j'ai vue hier.
Celle qui m'a donné des ordres, comme si elle était la reine. Elle parle avec
une voix haut perché. Je répond, un peu agressivement :
« Ben je regarde si mes
nouveaux habits me vont !
–
Oh, il était temps que tu te changes ! Tu puais tellement que je
devais arrêter de respirer quand je passais à côté de toi. Beurk !
–
Je me quelle odeur tu aurais, après avoir passé trois jours dans la
rue !
–
Eh bien moi, je ne reste pas dans la rue comme un clochard, justement. Car
je suis une fille bien élevée.
–
Oui, toi tu as été élevée ! Tu as une maison ! Mais moi, je n'ai
pas de parents et on m'a volé ma maison.
–
Oh, pauvre petit chou ! »
Elle utilise un ton sarcastique,
mais je vois bien qu'elle a pitié de moi. J'espère qu'elle ne va pas rester
toujours aussi odieuse ! Parce que, si elle le voulait, elle pourrait être
mon amie...
Mon amie... Je n'ai jamais eu d'ami.
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