dimanche 7 juillet 2013

Chapitre 14 (Le voleur)


  Chapitre 14

 

 

 

 Je suis maintenant dans un petit lit, dans la même chambre que le valet et Joséphine. Je commence à regretter la maison de Canon. J'aurais dû y rester ! Mais j'avais besoin de liberté. Qu'est-ce que j'ai, maintenant ? Rien. Seulement du travail, aucune liberté. Juste à cause de la dame qui m'a piqué ma maison. Ou plutôt à cause de la Bande : c'est à cause d'elle que j'ai été arrêté par la police et que la dame a eu le temps de squatter ma maison.

Enfin... Maintenant, j'y suis, j'y reste. Pour l'instant. Mais, ce que disait Joséphine est vrai. J'ai un toit, à manger, un lit et de la chaleur. Je me demande même si on ne va pas me donner de nouveaux habits... Je suis soumis, ici, mais j'ai le minimum pour vivre – et même un peu plus que le minimum. De quoi je me plains ?

De toutes façons, j'aurais fini comme ça, d'une manière ou d'une autre. C'est inévitable, pour des gens « comme moi ».

Le lit est modeste, mais je n'ai pas froid. Les maitres font quand même un peu attention à leurs domestiques. Joséphine ronfle. J'espère que je vais quand même pouvoir m'endormir !

Ah, ça fait quand même du bien d'être dans un lit – même modeste. La soirée a été éprouvante. Après avoir mangé avec Joséphine, il a fallu débarrasser la table des maîtres. Mais attention, ils ne fallait pas les déranger alors qu'ils étaient au salon à côté !

J'ai écouté un peu les conversations. Pour voir de quoi parlent les gens chics. Le prix des légumes, les potins sur le boulanger et sa femme, rien de très intéressant. Mais j'ai quand même appris qu'il y avait trois enfants dans la maison : la fille que j'ai vu, un plus petit garçon, et un tout petit bébé. La fille s'appelle Mary, si j'ai bien compris. Joli nom, pour une fille aussi odieuse.

Bon, allez, bonne nuit, moi-même.

 

* * *  

 

C'est le matin. Il est six heures trente, et le valet m'a réveillé. Il dit que Joséphine est déjà à la cuisine en train de préparer le petit déjeuner. Il m'ordonne de me dépêcher. Je m'exécute, et j'enfile mes habits – sales et puants – avant de me précipiter à la cuisine. Je ne sais pas pourquoi, je suis tout excité. Voilà le premier jour complet que je vais passer à cette maison. Et j'aime me le ver tôt. Cela me rappelle chez moi, quand je me levais à l'aurore pour aller me balader.

Joséphine m'accueille à la cuisine. Elle a l'air plutôt de bonne humeur.

« Bonjour, euh...

        Appelez moi Gamin. Et bonjour à vous.

        Tu peux me tutoyer, Gamin. Viens m'aider à dresser les assiettes du déjeuner. Regarde, un petit croissant, un peu de confiture, et du pain. Comme ça.

        D'accord... Et, euh, les maîtres ne vont pas me donner de nouveaux habits ? Enfin, je veux dire... je ne suis pas présentable.

        Oh, oui, tu as raison, Gamin. Je demanderai à Mike d'en parler aux maîtres. Maintenant, dépêche-toi. Je ne veux pas que les maîtres aient une mauvaise image de toi, si tu es en retard. Je serais punie pour avoir ramené un incapable. Mais je pense que tu n'est pas un incapable. Tu n'est juste pas habitué à travailler beaucoup. »

Je n'ai rien dit, de peur de paraître impoli. Alors je me suis mis au travail. Un petit croissant, un peu de confiture et du pain. Encore et encore. De temps en temps, Joséphine faisait de petits commentaires.

Je travaille comme ça jusqu'au réveil des maitres. Mike leur apporte le petit déjeuner, et enfin on peut manger. Du pain gris et du beurre, avec de la confiture. Pas de croissant, mais je ne me plains pas. Du moment que je peux manger...

Ensuite, Mike a débarrassé la table des maitres et Joséphine et moi avons fait la vaisselle. Il n'y a rien de plus ennuyant que de faire la vaisselle ! Laver, sécher, ranger. Laver, sécher, ranger... Pfff.

Enfin, après la vaisselle, Joséphine m'informe que je peux me reposer une heure avant la préparation du repas suivant. Et elle me donne mes habits pour la maison. Ils sont propres et doux, rouges foncés. Avec des souliers en cuir. Quel luxe ! Je n'ai jamais porté des vêtements comme ça.

Je me dépêche d'aller dans la chambre des domestiques pour me changer. Habillé, je sors dans le couloir pour m'admirer dans une glace. Ils y a un grand miroir dans  l'entrée. Waw ! Je suis trop beau avec ça !

« Qu'est-ce que tu fais ? »

C'est la fille que j'ai vue hier. Celle qui m'a donné des ordres, comme si elle était la reine. Elle parle avec une voix haut perché. Je répond, un peu agressivement :

« Ben je regarde si mes nouveaux habits me vont !

        Oh, il était temps que tu te changes ! Tu puais tellement que je devais arrêter de respirer quand je passais à côté de toi. Beurk !

        Je me quelle odeur tu aurais, après avoir passé trois jours dans la rue !

        Eh bien moi, je ne reste pas dans la rue comme un clochard, justement. Car je suis une fille bien élevée.

        Oui, toi tu as été élevée ! Tu as une maison ! Mais moi, je n'ai pas de parents et on m'a volé ma maison.

        Oh, pauvre petit chou ! »

Elle utilise un ton sarcastique, mais je vois bien qu'elle a pitié de moi. J'espère qu'elle ne va pas rester toujours aussi odieuse ! Parce que, si elle le voulait, elle pourrait être mon amie...

Mon amie... Je n'ai jamais eu d'ami. 

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