Chapitre 13
Voilà que nous arrivons à la
maison de mes futurs maitres. Joséphine – la dame m'a dit son nom – sonne à la
porte. Un valet, tout en noir et blanc, nous ouvre. Il sourit chaleureusement à
Joséphine, mais ne m'adresse même pas un regard. Je sens que je ne vais pas
trop l'aimer, celui-là. Le couloir, trop étroit, ne laisse as la place pour
trois personnes. Le valet part devant avec Joséphine, et ils me laissent dans
l'entrée. Sympa ! Et je fais quoi, moi, maintenant ?
En attendant qu'on revienne me
chercher, j'observe un peu les lieux. Ou plutôt le petit échantillon que j'ai
devant moi. L'entrée n'est pas très chaleureuse. Un carrelage, un petit
paillasson, un porte-manteau surchargé. Je n'ose pas accrocher ma veste miteuse
à côté de ces magnifiques manteaux fourrés. Je reste là, debout, sans rien
faire.
Soudain, j'entends des petit
bruits de pas. Puis plus rien. Les petits pas descendent les escaliers. Enfin,
je vois les jambes qui produisent ces pas, puis la taille, puis le buste
puis... Le visage.
C'est une jeune fille. Elle doit
avoir à peu près mon âge. Elle s'arrête à l'avant dernière marche, me fait un
clin d'oeil, puis saute par dessus la dernière.
« Tu es le nouveau
serviteur ? »
Elle a parlé d'une petite voix,
un peu craintive. Je n'avais jamais pensé que je pouvais avoir l'air
impressionnant avec mes godasses trouées, mon manteau sale et mes cheveux
emmêlés. Mais c'est vrai. Je suis sauvage, une bête. Je ne sais pas quoi
répondre. Elle est vraiment très jolie, avec une robe rouge à dentelles
blanches sur les manches. Elle a une coiffure compliquée, et j'essaye de
l'imaginer les cheveux lâchés.
« Tu es le nouveau
serviteur, non ?
–
Oui... Je...
–
Très bien. Il faudra que tu ranges ma chambre, je ne peux plus marcher tellement il y a du désordre !
–
Bien sûr, mais...
–
Ah, oui, et aussi, tu diras à mon frère de rester dans sa chambre.
–
D'accord.
–
On dit « oui, mademoiselle ».
–
Euh... Oui, mademoiselle. Où dois-je aller pour dormir ?
–
Tu ne vas pas dormir maintenant ! Il n'est que sept heures et demie.
Les cuisines, c'est par là. »
Elle me montre une petite porte
verte, au fond d'un couloir. Je regarde alternativement la porte et la jeune
fille, d'un petit air fatigué. J'espère lui faire comprendre que j'ai un grand
besoin de dormir.
« Eh bien quoi, qu'est-ce
que tu attends ? Vas-y ! »
Je baisse la tête et me dirige
vers la porte. Je fais le soumis, mais à l'intérieur, je bous de colère. De quel
droit elle me parle comme ça, celle-là ? Je suis fatigué, il est hors de
question que je travaille maintenant !
Je toque à la porte de la
cuisine. Joséphine m'ouvre, et elle me fait entrer rapidement.
« Pose ta veste dans un
coin, et mets-toi au travail.
–
Mais... Il est tard, je suis fatigué !
–
Ah oui ? Ce n'est pas une raison. Allez, bouge-toi, le repas doit-être
prêt dans un quart d'heure.
–
Mais, madame... »
Elle ne fait plus attention à
moi. Je reste là, au milieu de la cuisine, sans rien faire. Mais ce n'est pas
possible, personne ne s'intéresse à ce dont j'ai besoin !
Joséphine, sans me jeter un
regard, me met un couteau dans les mains et me montre une planche recouverte de
poireaux. Oh non ! Je me lave les mains – après les avoir vues si sales –
et je commence à couper. Faire ça n'est pas spécialement fatigant, mais la
vapeur d'eau qui flotte dans la pièce et l'agitation de Joséphine me stressent.
Si bien que je suis épuisé après avoir réduit les légumes en petits bouts. Mais
Joséphine n'en a pas fini avec moi. Elle m'ordonne de sortir la viande du four.
Je manque de me brûler le nez en observant les côtes de bœuf de si près. Mais
tout est tellement appétissant ! J'aurai bien mérité ce repas.
Voilà que l'heure du dîner
arrive. Tout est près. J'ai si faim que mon ventre gargouille sans arrêt.
Joséphine retire son tablier, se lave les mains et m'ordonne d'aller chercher
le valet. Je cherche celui-ci pendant cinq bonnes minutes dans l'immense
maison. Enfin, je le trouve et lui dit que le dîner est servi et que l'on peut
manger. Il me regarde 'un air bizarre, puis me suit. Joséphine nous accueille à
la cuisine :
« Ah, enfin vous êtes
là ! J'ai cru que vous vous étiez perdu. Mike, tu peux servir le dîner aux
maitres. »
Il part avec les plats brûlants
et Joséphine me sourie en disant qu'on va pouvoir manger. Et à mon grand
étonnement, on s'attable dans la cuisine, autour de ce qui semble être un
reste.
« Quoi ? On ne mange
pas ce qu'on a préparé ?
–
Mais enfin, petit, bien sûr que non. Quelle idée !
–
Oh... Je croyais.
–
Il va falloir que tu t'habitue à la vie de domestique, mon garçon. Ici,
nous travaillons mais nous ne sommes pas payés. Nous cuisinons mais nous
mangeons autre chose. Nous lavons et réparons mais nous ne sommes pas
remerciés.
–
Je ne sais pas si je vais rester.
–
Oh que si, tu vas rester ! Tu as un toit, à manger et un lit chaque
soir. Que demander de plus ? Il faut juste que tu te fasses à l'idée. Et
que tu gagnes un peu plus en énergie. »
La conversation se clôture comme
ça. Nous mangeons un truc assez bon, mais froid. Le repas se termine en
silence, et je rumine mon indignation.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Pour laisser un commentaire :
- Ecrivez votre texte
- Cliquez sur "Sélectionner le profil"
- Choisissez "Nom/URL"
- Entrez votre pseudo dans "Nom" et laissez "URL" vide
Voilà, vous pouvez publier !