samedi 6 juillet 2013

Chapitre 13 (Le voleur)


  Chapitre 13

 

 

 

 Je la suis à travers la ville. Plus nous nous approchons des quartiers riches, plus je me sens mal à l'aise. Je ne suis pas à ma place, là-bas.

Voilà que nous arrivons à la maison de mes futurs maitres. Joséphine – la dame m'a dit son nom – sonne à la porte. Un valet, tout en noir et blanc, nous ouvre. Il sourit chaleureusement à Joséphine, mais ne m'adresse même pas un regard. Je sens que je ne vais pas trop l'aimer, celui-là. Le couloir, trop étroit, ne laisse as la place pour trois personnes. Le valet part devant avec Joséphine, et ils me laissent dans l'entrée. Sympa ! Et je fais quoi, moi, maintenant ?

En attendant qu'on revienne me chercher, j'observe un peu les lieux. Ou plutôt le petit échantillon que j'ai devant moi. L'entrée n'est pas très chaleureuse. Un carrelage, un petit paillasson, un porte-manteau surchargé. Je n'ose pas accrocher ma veste miteuse à côté de ces magnifiques manteaux fourrés. Je reste là, debout, sans rien faire.

Soudain, j'entends des petit bruits de pas. Puis plus rien. Les petits pas descendent les escaliers. Enfin, je vois les jambes qui produisent ces pas, puis la taille, puis le buste puis... Le visage.

C'est une jeune fille. Elle doit avoir à peu près mon âge. Elle s'arrête à l'avant dernière marche, me fait un clin d'oeil, puis saute par dessus la dernière.

« Tu es le nouveau serviteur ? »


Elle a parlé d'une petite voix, un peu craintive. Je n'avais jamais pensé que je pouvais avoir l'air impressionnant avec mes godasses trouées, mon manteau sale et mes cheveux emmêlés. Mais c'est vrai. Je suis sauvage, une bête. Je ne sais pas quoi répondre. Elle est vraiment très jolie, avec une robe rouge à dentelles blanches sur les manches. Elle a une coiffure compliquée, et j'essaye de l'imaginer les cheveux lâchés.

« Tu es le nouveau serviteur, non ?

        Oui... Je...

        Très bien. Il faudra que tu ranges ma chambre, je ne peux plus marcher tellement il y a du désordre !

        Bien sûr, mais...

        Ah, oui, et aussi, tu diras à mon frère de rester dans sa chambre.

        D'accord.

        On dit « oui, mademoiselle ».

        Euh... Oui, mademoiselle. Où dois-je aller pour dormir ?

        Tu ne vas pas dormir maintenant ! Il n'est que sept heures et demie. Les cuisines, c'est par là. »

Elle me montre une petite porte verte, au fond d'un couloir. Je regarde alternativement la porte et la jeune fille, d'un petit air fatigué. J'espère lui faire comprendre que j'ai un grand besoin de dormir.

« Eh bien quoi, qu'est-ce que tu attends ? Vas-y ! »

Je baisse la tête et me dirige vers la porte. Je fais le soumis, mais à l'intérieur, je bous de colère. De quel droit elle me parle comme ça, celle-là ? Je suis fatigué, il est hors de question que je travaille maintenant !

Je toque à la porte de la cuisine. Joséphine m'ouvre, et elle me fait entrer rapidement.

« Pose ta veste dans un coin, et mets-toi au travail.

        Mais... Il est tard, je suis fatigué !

        Ah oui ? Ce n'est pas une raison. Allez, bouge-toi, le repas doit-être prêt dans un quart d'heure.

        Mais, madame... »

Elle ne fait plus attention à moi. Je reste là, au milieu de la cuisine, sans rien faire. Mais ce n'est pas possible, personne ne s'intéresse à ce dont j'ai besoin !

Joséphine, sans me jeter un regard, me met un couteau dans les mains et me montre une planche recouverte de poireaux. Oh non ! Je me lave les mains – après les avoir vues si sales – et je commence à couper. Faire ça n'est pas spécialement fatigant, mais la vapeur d'eau qui flotte dans la pièce et l'agitation de Joséphine me stressent. Si bien que je suis épuisé après avoir réduit les légumes en petits bouts. Mais Joséphine n'en a pas fini avec moi. Elle m'ordonne de sortir la viande du four. Je manque de me brûler le nez en observant les côtes de bœuf de si près. Mais tout est tellement appétissant ! J'aurai bien mérité ce repas.

Voilà que l'heure du dîner arrive. Tout est près. J'ai si faim que mon ventre gargouille sans arrêt. Joséphine retire son tablier, se lave les mains et m'ordonne d'aller chercher le valet. Je cherche celui-ci pendant cinq bonnes minutes dans l'immense maison. Enfin, je le trouve et lui dit que le dîner est servi et que l'on peut manger. Il me regarde 'un air bizarre, puis me suit. Joséphine nous accueille à la cuisine :

« Ah, enfin vous êtes là ! J'ai cru que vous vous étiez perdu. Mike, tu peux servir le dîner aux maitres. »

Il part avec les plats brûlants et Joséphine me sourie en disant qu'on va pouvoir manger. Et à mon grand étonnement, on s'attable dans la cuisine, autour de ce qui semble être un reste.

« Quoi ? On ne mange pas ce qu'on a préparé ?

        Mais enfin, petit, bien sûr que non. Quelle idée !

        Oh... Je croyais.

        Il va falloir que tu t'habitue à la vie de domestique, mon garçon. Ici, nous travaillons mais nous ne sommes pas payés. Nous cuisinons mais nous mangeons autre chose. Nous lavons et réparons mais nous ne sommes pas remerciés.

        Je ne sais pas si je vais rester.

        Oh que si, tu vas rester ! Tu as un toit, à manger et un lit chaque soir. Que demander de plus ? Il faut juste que tu te fasses à l'idée. Et que tu gagnes un peu plus en énergie. »

La conversation se clôture comme ça. Nous mangeons un truc assez bon, mais froid. Le repas se termine en silence, et je rumine mon indignation.

 

 

 

 

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