lundi 4 février 2013

Chapitre 8 (Le voleur)

Chapitre 8


Je suis dans mon lit. Les draps sont doux et j'ai bien chaud. Je repense à la soirée que j'ai passée. Pas si désagréable que ça, finalement...
La tante nous a appelé pour manger. Elle avait préparé un ragout de veau avec des pommes de terre. Délicieux. Puis comme dessert, nous avons eu droit à un tarte aux prunes. J'étais ravi, mais je n'ai pas parlé à la tante. Je lui en veut encore de m'avoir appelé Scott.
Je n'ai jamais aussi bien mangé que ce soir.
Mais je vais partir. Oui. Je ne vais pas rester éternellement dans cette maison, si grande soit-elle. Ce n'est pas chez moi. Je suis invité, c'est tout. Je ne m'y sentirai jamais chez moi. Je vais partir demain, pendant la nuit. Discrètement.
Je sais que Canon sera triste. Mais je ne peux pas faire autrement ! En plus, il est plus chez lui. Il est chez sa tante. Moi, je loge chez une inconnue. Deux inconnus, même. Enfin voilà, je pars demain soir. Sans prévenir personne.
Bonne nuit, moi.
* * *
Je me suis réveillé tard. Vers dix heures. C'était indiqué sur l'énorme pendule dans le hall. Avant, je me réveillais plus tôt pour arriver aux boutiques quand elles étaient bondées. Plus facile pour voler.
Maintenant, je sais pour quoi je ne me sens pas chez moi ici. La nuit porte conseil, on dit.
C'est une maison de riche, ici. Tous les objets que je vois coûtent sûrement très cher. Et si je les touche, je vais les souiller, les salir. Je suis sale. Même après avoir pris un bain. Sale, pauvre et voyou. Je le resterai toujours.
Toujours.
* * *
Ça y est. C'est l'heure. On va se coucher, la tante éteint les bougies et se glisse dans son lit, je l'entends craquer. Encore environ une demi-heure, et ils seront tous endormis. Et j'aurais la voie libre. Je serai libre.
Enfin, je serai libre !
* * *
Cette fois, c'est l'heure, vraiment l'heure. Le moment ou jamais. Je m'habille silencieusement, je prends ma sacoche. Et sort de ma chambre sur la pointe des pieds. Heureusement que les juges m'ont rendu ma sacoche quand je suis sorti de prison. Sinon, j'aurais perdu mon couteau, mon magnifique couteau. Et mes biscuits maintenant rassis, ainsi que le vieux clou.
Cette sacoche m'est indispensable. Je l'emporte partout.
Bon assez pensé, il faut que je sorte de cette maison. Pas facile dans le noir. Je me dirige vers la cuisine. Eh, oui ! Je compte bien emporter des vivres, pour que cette tante riche m'ait servi à quelque chose !
Je fouille dans le placard. Des biscuit secs, un pot de corn-flakes, un morceau de viande séchée, du pain gris, du cidre, tout va dans ma sacoche. Elle est remplie, elle traine presque par terre. Très bien, j'aurai assez à manger pour longtemps, sans devoir voler. Oh, et les quelques pièces de monnaie sur la table, je les prend aussi.
Je sais que ce que je fais n'est pas bien. C'est même méchant pour la tante. Mais j'ai faim, moi ! J'ai aussi besoin de manger !
Je sors de la cuisine doucement, sans faire de bruit. Je m'arrête. J'écoute. Rien, je continue. Je marche jusque dans le couloir. Je m'arrête. J'écoute. Un bruit de pas !
C'est Canon, il descend les escaliers. Il m'a entendu. Quelle poisse !
« Je savais bien que tu allais partir cette nuit. »
Il ne fait même pas l'effort de parler à voix basse. Sur le moment je le déteste de tout mon cœur.
« Et alors ? Qu'est-ce que tu peux y faire ? Tu veux te battre, Canon ?
  • Non. Je vais te laisser y aller.
  • Oh, merci de cette immense faveur, Votre Honneur !
  • Hm. Je ne voulais pas que tu t'en ailles. Pourquoi tu ne veux pas rester à vivre confortablement ici ? »
Oh, quel pot de colle ! Je ne vais pas rester bavarder avec lui, à cette heure-ci ! Il essaye de me retenir. Il veut que sa tante se réveille avant que je puisse partir. Essayons d'être diplomate...
« Bon, écoute-moi, Canon. Je pars. C'est comme ça. J'ai besoin de bouger, de prendre des risques, d'avoir froid, chaud, de mériter ce que j'ai. Voilà pourquoi je m'en vais. C'est bon ? Tu me laisses partir ?
  • Ben, oui, je n'ai pas le choix. Au revoir. Ou plutôt adieu. Je ne connais pas ton nom. Pour moi tu es Gamin. Adieu, Gamin.
  • Oui, salut, Canon. »
Je passe la porte. Il fait vraiment froid ! Surtout après avoir passé deux jours dans un cocon bien chaud.
« Oh, et pense à moi en mangeant nos vivres, hein, Gamin ! »
Sur ce dernier mot prononcé, Canon ferme la porte.
Ma voilà seul dehors. Il est tard. La lune est au début de sa course dans le ciel. Elle est à moitié cachée par les maisons. Je ne connais même pas le quartier ! Comment je vais faire pour entrer chez moi ? Je suis trop bête !
Je vais devoir dormir dehors, en attendant le jour. Ce sera plus facile de retrouver mon chemin en pleine lumière.
Où je vais dormir ?
* * *
Je suis blotti tout contre un mur, froid, sous le toit d'un marché couvert. Il était temps !
Pour pouvoir avoir cette place, j'ai dû me battre avec un homme saoul. Il voulait dormir ici. Je lui ai finalement donné ma bouteille de cidre contre la place près du mur.
Maintenant, j'espère que personne d'autre ne va être tenté de dormir ici. Je ne tiens pas à me battre avec quelqu'un d'autre !
Je sers ma sacoche bien fort contre mon ventre.
Bonne nuit, moi même. 

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