Chapitre 6 (Nil)

Ce texte a été écrit par La flamme.
Elle a voulu continuer le texte où j'était bloquée (chapitre 5). Maintenant, nous écrivons la suite de l'histoire ensemble.
Bonne lecture !

Chapitre 6

L’apparition

Un courant d’air réveilla soudainement Nil qui grogna. Il se leva et aperçut Roy qui mordillait une galette de royas. Il lui tapota gentiment la tête puis se renfrogna en apercevant le soleil haut dans le ciel ; il devrait bientôt rejoindre Tom pour le lancer de couteaux. Il se leva péniblement et se dirigea vers le centre de la cabane pour retrouver Mia. Personne. Seulement un torchon sur lequel de la viande grillée attendait d’être mangée.

Les souvenirs de la chasse revinrent à Nil qui essaya de ne pas y penser. Il enfourna les deux morceaux de viande puis tendit une galette à Roy qui l’attrapa avec joie.

Il sortit dehors pour se rendre à l’entraînement. Il avait la gorge nouée. En quoi cela consisterait-il vraiment ?

Nil arriva finalement sur un terrain ensablé, où l’attendait Tom. Ce dernier patientait en lançant des couteaux dans des cibles. En apercevant son élève, il sourit et accourut vers lui.

• Alors ? Pressé de commencer, je suppose. Comme tout le monde, hein. Suis-moi.
• Euh…oui, d’accord.

     Pressé ? Bien au contraire. La chasse lui avait fait une mauvaise impression, et il n’arrivait pas à s’en détacher.

     Tom lui donna une petite barre de métal puis l’incita à se placer devant l’une des cibles. Nil comprit qu’il devait montrer ce qu’il savait faire. Il jeta un coup d’œil à Roy qui se tenait à quelques pas de là. Il sursauta. Une femme l’observait également. Mia. Nil soupira. Tom le tira alors de ses pensées :

-      Essaye de planter cette barre dans la cible, d’accord ? Il vaut mieux commencer avec ça plutôt qu’avec un couteau, non ?

-      Euh, oui, bien sûr.

    Nil sentit sa gorge se nouer instantanément. Il se concentra du mieux qu’il pu et lança. Ses yeux s’écarquillèrent de stupeur. A côté, Tom devait grincer des dents. Tant que ça ? La barre de fer avait atterrit bien loin de la cible, quelque part dans les bosquets. Nil soupira encore. On n’était pas sorti de l’auberge.

Nil poussa la porte de la cabane, exténué et en colère. Mia l’avait raccompagné et avait préparé un bon repas, mais Nil n’y toucha pas. Il avait tout raté. Aucune fois il n’avait réussi à mettre le couteau dans la cible. Tom, exaspéré, l’avait autorisé à partir une heure plus tôt.

     La nuit était déjà bien avancée, mais Nil ne dormait toujours pas. Roy non plus d’ailleurs. Nil le caressa un peu en admirant les étoiles. Il pouvait entendre le souffle de sa mère qui dormait.

     Puis, aussi discret qu’une plume, Nil se leva lentement de son matelas et prit Roy dans ses bras, le cœur battant. Il ouvrit la porte et sortit. La fraîcheur de la nuit lui fit un bien fou. Il se mit à courir, heureux comme jamais. Il aperçut la forêt. Sourit. Après plusieurs enjambées, il était allongé dans l’herbe, sous les arbres. Il n’était encore jamais venu ici de nuit. Roy, quant à lui, s’agitait et semblait vouloir marcher un peu. Nil se leva alors et ils marchèrent tous les deux assez loin. Plus loin encore que d’habitude. Nil ne connaissait pas cet endroit. C’était magnifique en tout cas. Un point d’eau s’étendait sur une centaine de mètres. Quelques saules pleureurs bordaient le côté gauche et d’immenses roseaux immergeaient de l’eau. Soudain, Roy renifla, comme pour prévenir Nil. Ce dernier se plaqua au sol, une boule au ventre.

     Là-bas, il y avait une silhouette dans l’eau. Une bourrasque ébouriffa les cheveux de Nil, et par la même occasion, ceux de la personne là-bas. Comme dans un rêve, pensa Nil. Puis elle se retourna. Nil détourna le regard, gêné. Une sensation qu’il ne connaissait pas s’empara de lui. Cette fille… c’était qui d’abord ? Et qu’est-ce qu’elle faisait, là-bas, déjà ? Elle était… toute… nue ! Nil ravala sa salive et recula lentement, puis, sans vraiment s’en rendre compte, rétrécit. Au même moment, un couteau se planta dans le tronc d’arbre devant lequel il s’était tenu une seconde avant. Nil reprit sa taille normale et cria en fermant les yeux :

-      Non ! Arrête ! Je… je passais par hasard !

    Il entrouvrit un œil. Elle avait passé un drap blanc sur sa poitrine et semblait bien plus gênée que Nil. Sa peau était d’une blancheur si pure et claire et contrastait tellement avec ses cheveux d’un noir de jais, si longs. Ses yeux verts brillaient dans l’obscurité. Mais surtout, un tatouage rouge en forme d’arc de cercle, surmonté de deux ailes, décorait le tour de son nombril. Le symbole de la tribu des Fô’limans. Nil déglutit. Elle tenait toujours un autre couteau dans la main. Puis lentement, elle baissa la main et dévisagea Nil. Dans un murmure, elle fit :

-      Qui es-tu ?

-      Je… je m’appelle Nil.

-      Je suis Elena.

     Elle sourit. Nil pensa alors que c’était la plus belle chose au monde. Ce sourire. Ils se regardèrent longtemps. Puis, ils demandèrent dans un ensemble parfait :

-      Que fais-tu ici ?

     Et dans un ensemble parfait, ils rougirent. Roy se frotta aux jambes de Nil qui lui fit signe d’arrêter.

-      Tu es une Fô’liman ?

-      Oui. Et toi, tu es…

-      Oui.

-      Comment as-tu esquivé mon couteau ?

-      Ma Spécialité est de pouvoir me rétrécir !

     Et sur ces mots, il rapetissa en souriant. Elena se haussa sur la pointe des pieds jusqu’à ce que Nil reprenne sa taille initiale.

-      Alors vous appelez ça une Spécialité ?, s’étonna-t-elle. Chez nous, c’est le Don. Regarde.

    Elle leva sa main droite et fit un mouvement ample. L’eau du lac suivit son geste et commença à danser. Nil n’avait jamais vu quelque chose d’aussi beau. A part son sourire. Et puis l’eau retomba, inerte.

-      Je l’ai eu il y a deux jours, continua-t-elle. Et toi ?

-      Une semaine, pile.

-      On a douze ans tous les deux, alors.

     Un long silence s’abattit entre eux. Et tout d’un coup, Roy se précipita vers Elena en couinant. Elle sursauta en le voyant patauger dans l’eau, puis s’avança vers le youm et le prit dans ses bras. Nil faillit protester, mais lorsqu’il se rendit compte, quand elle repartit vers la berge opposée, qu’elle lui donnait des galettes de royas, il se reprit et se contenta d’observer. Pendant que Roy mangeait, elle caressa la petite selle sur son dos que Nil lui avait mise. Elle en profita pendant qu’elle était retournée pour se rhabiller. Puis elle fit signe à Nil de la rejoindre. Il hésita, jusqu’à ce qu’Elena libère un passage dans l’eau pour qu’il passe dans un endroit sec. Il emprunta le passage en tremblant. Que faisait-il ? Cette fille était ennemie ! C’était peut-être un piège. Mais peut-être aussi qu’elle avait la même façon de penser que lui et qu’elle aimait aller dans la forêt. Alors il avança et prit Roy dans les bras.

-      Il s’appelle Roy, fit-il.

-      Parce qu’il aime les galettes de royas ?suggéra Elena.

     Nil hocha la tête. Et ils se mirent à rire.

La Lune déclinait dans le ciel quand Nil sortit enfin de la lisière de la forêt. Roy le suivait, le ventre rempli de galettes. Nil se mit à courir vers sa cabane. S’arrêta net. Mia était adossée à une palissade et toisait Nil. Il venait de rompre leur promesse.