jeudi 13 juin 2013

Chapitre 18 (Nil)



Chapitre 18

Elena était à présent couchée sur la banquette arrière du véhicule. Elle avait reçu les premiers soins par Mia, habituée à faire l’infirmière. Mais malgré cela, Elena était encore mal en point. Elle dormait profondément, mais sa respiration était un peu difficile, et son visage était crispé. Nil, assis à côté d’elle, sur la banquette, lui caressait les cheveux. Il se faisait tout petit pour lui laisser le plus de place possible. Il aurait presque voulu utiliser sa Spécialité pour se faire encore plus petit. Il se sentait fatigué, et un peu perdu dans ce véhicule inconnu. Il avait toujours vécu dans la forêt, parmi les arbres. Oh, il avait bien déjà vu des voitures, quand il vivait encore chez John, mais il n’était jamais monté dans l’une d’elles. Il trouvait cela en même temps inquiétant et magnifique d’avancer à toute vitesse sans devoir bouger les jambes. Tout à coup, il se demanda comment Mia et John l’avaient trouvé… et surtout comment ils se trouvaient ensemble.
-         Mia, comment se fait-il que vous nous ayez sauvés à temps ?
-         Eh bien, mon p’tit Nil, tu vas être étonné. C’est Roy qui est venu me prévenir que vous aviez des problèmes.
-         Hein ? Mais il ne parle pas !

-         Non, je sais bien, mais… je l’ai compris. Je crois que c’est ma Spécialité qui m’a aidée. Quand Roy est entré, tout affolé, dans ma cabane, j’ai deviné que toi et Elena aviez des soucis. Je lui ai alors ordonné mentalement de me conduire chez la personne qui vous avait hébergée pendant tout ce temps. Et il m’a conduit bien sagement jusqu’à la maison de John.
-         Waouh ! Il est super intelligent.
Mia acquiesça et elle se tourna vers John. Elle ne raconta pas la suite de l’histoire, mais Nil comprit que John, en apprenant la nouvelle, avait fourré tout le monde dans sa voiture et était parti à leur rencontre. Mais Nil ne savait pas si John leur avait raconté la raison de leur départ. Que dirait Mia si elle apprenait qu’il comptait retrouver son père ? Mais en voyant le regard que sa mère adoptive lançait à John, Nil comprit qu’elle n’éprouvait plus rien pour son père…
Elena remua sous la main de Nil, et celui-ci sortit de ses pensées. La jeune fille émit un petit bruit, entrouvrit les yeux et les referma aussitôt. Nil lui caressa encore les cheveux. Elle gémit, et se tourna un peu. Les vibrations de la voiture achevèrent de la réveiller, et elle ouvrit en grand ses yeux verts. Nil lui sourit, et Mia annonça qu’ils arrivaient bientôt à l’hôpital de la ville. L’adolescent sursauta : quoi ?! Ils retournaient à la ville ? Ils avaient marché pendant deux jours, et tout ça pour revenir à la ville en même pas une heure ! Nil eut envie de pleurer de rage. Oh, bien sûr qu’il voulait qu’Elena se fasse soigner, mais de là retourner à la ville !
Il ne dit rien à Elena, mais il avait envie de sortir de la voiture en hurlant. Heureusement, John gara la voiture devant l’hôpital, et Nil put sortir. John laissa Roy dans la voiture, en évitant le regard implorant du jeune youm. Nil soutint Elena, avec l’aide de Mia, et ils la conduisirent tout les deux jusqu’aux urgences. Mais bien qu’il affichait un air plutôt calme, Nil bouillonnait de l’intérieur. Elena et lui avaient vécu deux jours d’horreur, ou de bonheur, c’était selon. Ils avaient vécu deux jours ensemble, dans leur monde, s’étaient serrés les coudes durant les épreuves… tout ça pour faire marche arrière dans ce véhicule de malheur ! Pfff !
Ce fut le tour d’Elena, un médecin en blouse blanche s’approcha d’eux.
-         C’est pour qui ?
-         Pour Elena, s’il vous plait, s’écria Nil.
-         Oui, elle s’est cassée la jambe, expliqua Mia.
-         D’accord, venez mademoiselle. Et vous, lança-t-il au reste de la troupe, vous pourrez vous mettre sur les chaises de la salle d’attente. Là-bas, à droite, au bout du couloir.
Nil s’étonna de ne pas pouvoir suivre son amie dans la salle, avec le médecin. Et quoi, on le séparait d’elle maintenant ? Tout le chemin qu’ils avaient fait à pied était parcouru en sens inverse en voiture, puis on la séparait de son amie ? Non mais, et puis quoi encore ! À la rage de Nil s’ajouta de la frustration. Mais Mia lui prit le bras, et le tira doucement vers la salle d’attente.
Ils s’assirent, et restèrent en silence pendant… combien de temps ? Nil n’aurait su le dire. Cela lui parut très long. Ce n’est pas qu’il s’inquiétait pour Elena, il savait qu’elle allait guérir, mais… Son petit monde avait été bouleversé. Le petit monde qu’il partageait avec Elena. Quand il avait insisté auprès d’elle pour qu’elle rentre se faire soigner, il n’imaginait pas que le changement serait tel. Sinon, il n’aurait peut-être pas tant essayé de la convaincre. Enfin bref, voilà longtemps qu’il attendait, assis à côté de Mia et en face de John. Il ne disait pas grand chose, il pensait pas vraiment. Il avait en même temps une sensation de vide, et de trop plein. Elena lui manquait, et le petit monde qu’il partageait avec elle était maintenant rempli par Mia et John. Nil ne sut que penser.
Il leva la tête et intercepta le regard que Mia lançait à John. Ah, non, hein ! Elle n’allait pas commencer comme ça ! Il eut envie de donner lui donner un bon coup de pied. Pfff… Non mais vraiment, n’importe quoi. Sa mère adoptive qui tombait amoureuse de… John. Presque son père adoptif. Oh, et après tout, il s’en fichait. Mia avait déjà aimé son père sans retour, alors un de plus, un de moins…
Une jeune femme en pantalon aborda le petit groupe :
-         Voulez-vous venir voir votre amie ? Elle est hors de danger. Chambre 112, étage 1. Suivez-moi.
Et elle se mit en marche sans vérifiait si ils la suivaient. Nil courut presque. Il avait tellement envie de voir son amie ! Et de savoir ce qu’elle avait réellement. Après une succession de couloirs, Nil entra dans la chambre numéro 112. Elena ! Elle était là, souriant faiblement, l’air plutôt en forme. Nil s’approcha d’elle doucement. Il s’apprêtait à dire quelque chose, mais celle-ci la devança :
-         Nil ! Je suis contente de te voir ! Que s’est-il passé ? Je me souviens seulement avoir couru après toi, et être tombée…
-         Oh, je m’en veux tellement. C’est à cause de moi que tu es ici, couchée dans ce lit. C’est parce que je ne t’ai pas attendue. J’ai vu le véhicule qui s’arrêtait, et j’étais tellement content que j’ai couru. Toi, évidemment, tu ne pouvais pas courir. Mais comme j’étais en train de te semer, tu l’as fait. C’est comme cela que tu as aggravé ta blessure. Je suis vraiment… désolé.
-         Ce n’est rien. Le docteur m’a dit que je n’avais qu’une fracture ; je ne dois plus poser mon pied par terre pendant un mois. Et il m’a donné de vraies béquilles. Tu vois ? Tout va bien !
Nil ne répondit pas. Il détourna les yeux et une larme roula sur sa joue droite. Une larme brûlante. Brûlante comme la question qu’il avait sur les lèvres. Pourrait-il continuer sa recherche après son père ? Sans Elena ?
Son amie lui caressa la joue, essuyant la larme. Mia et John observaient la scène, debout contre le mur, un peu en retrait. Elena leur sourit tristement, puis s’adressa à Nil, presque en chuchotant :
-         Je sais ce que tu penses. Le voyage est terminé pour moi. Mais toi, tu peux encore chercher ton père. Tu n’as pas besoin de moi pour cela.
-         Si, explosa Nil. Bien sûr que si ! Elena, je n’aurais jamais pu marcher deux jours sans toi. Je n’aurais même pas entamé ce voyage. C’est toi qui m’as convaincu que ma sœur est vivante, toi qui m’as poussé à trouver mon père. C’est toi !
Mia ouvrit de grands yeux. Elle venait d’apprendre les intentions de Nil. Mais personne ne fit attention à elle. John se taisait. Nil criait, Elena baissait la tête. On aurait dit qu’ils étaient fâchés. Puis, le garçon, n’en pouvant plus, s’écroula sur le lit d’Elena en pleurant. Celle-ci gémit car il écrasait sa jambe fracturée, mais elle ne bougea pas. Ce fut à son tour de caresser les cheveux de Nil. Elle lui murmura des paroles que seule elle comprenait. Des paroles de Fô’limann. John ne disait toujours rien, mais Mia se décida à s’approcher. Elle posa à peine ses fesses sur le lit, laissant toute la place aux deux adolescents. Et, de sa voix la plus douce possible, elle dit :
-         Alors comme ça, Nil, tu voulais retrouver ton père…
Personne ne répondit. Nil renifla et leva la tête vers sa mère adoptive.
-         Pourquoi ne pas m’avoir prévenue ? continua Mia. Pourtant, la veille, tu étais encore avec moi. Quand tu prévoyais de ramener Elena, tu ne me disais pas dans combien de temps. Cela ne m’a pas alerté, mais maintenant je comprends. Tu ne voulais pas me dire que tu comptais retrouver ton père. Tu m’as décidément caché beaucoup de choses, Nil
Elle avait dit cela d’une voix teintée de reproche, mais toujours aussi doucement. Elle paraissait blessée. Alors, John s’interposa.
-         Mia, je comprends que tu croies cela, mais c’est faux. Nil ne prévoyait pas de partir à la recherche de son père, quand il est retourné à la ville. Il voulait réellement ramener Elena. Mais un événement les a fait changer d’avis. Le soir, à une petite fête sur le port, ils ont rencontré Hovan, le frère de Nil. Celui-ci leur a donné une lettre de la part du père…
-         Nil a un frère ?
-         Oui, intervint celui-ci. Oui, j’ai un frère. Notre père l’a eu à dix-neuf ans. Avec une autre femme. Il était capitaine d’un bateau. Puis, sa femme est morte lors d’une tempête. Il a alors décidé d’abandonner la mer. Il s’est installé dans la forêt, pour être finalement recueilli par les Yottominn’s. Il a vécu longtemps au Tîî, avant de… Tomber amoureux à nouveau.
-         Oui, je connais la suite. C’est tellement fou, Nil ! Je n’arriva pas à croire que tu aies un frère, je t’ai toujours vu comme un enfant unique.
-         Eh bien, tu as tort. Et ce n’est pas tout. Mon père n’a pas eu seulement moi, de ma mère. Il a aussi eu une fille. J’ai une jumelle. C’est ce qu’il dit dans sa lettre. Je ne sais pas ce qu’elle est devenue, peut-être est-elle morte. En tout cas, les guerriers Yottominn’s qui m’ont trouvé n’ont pas dû la voir. C’est pour retrouver sa trace que je voulais voir mon père.
Ces derniers mots, presque inaudibles, tombèrent dans le silence. John hochait la tête, Elena prit la main de Nil, et Mia reste la bouche entrouverte. Elle répéta cinq fois « oh, excuse moi, Nil ». Puis, reprenant un peu ses esprits, elle murmura :
-         Alors comme cela tu as un frère et une sœur. Incroyable. Mais crois-moi, Nil, je pense bien que ta sœur est… enfin… morte.
-         Elena est certaine du contraire.
-         Oh, et je suppose que tu préfère l’écouter, elle. Fais comme tu veux. Mais je plains vraiment ton père. Il a eu deux femmes, et toutes les deux sont mortes. Quel gâchis. Enfin… Nil, je suis presque sûre que ta sœur jumelle est morte, mais je crois que ton père est vivant. Donc… si tu veux mon aide pour t’aider à le retrouver…
Nil secoua la tête. Non, il ne voulait pas. D’abord, il n’osait pas imaginer la réaction de Mia retrouvant son père, ce jeune homme qu’elle avait aimé. Et ensuite, il voyait bien qu’elle ressentait maintenant quelque chose pour John, et, malgré sa désapprobation, il ne voulait pas casser cet amour naissant. Continuant de secouer la tête, il dit « non » d’une petite voix. Et en disant cela, il cru entendre un petit soupir de soulagement du côté de John…
Un médecin entra dans la pièce, cassant l’ambiance qui s’y était formée. Aussitôt, Nil se redressa sur le lit, libérant la jambe douloureuse d’Elena. Mia se leva, et John demanda poliment au médecin quand est-ce qu’Elena pourrait sortir de l’hôpital. Celui-ci répondit qu’elle serait libre dans trois jours, mais recommanda qu’elle ne marche pas avec sa jambe fracturée pendant un mois. À ces mots, Nil baissa la tête et se tourna vers Elena, échangeant un long regard avec elle. Un regard qui voulait dire « je ne ferai pas ce voyage sans toi ».
Sur ordre du médecin, John, Mia et Nil sortirent, après un long au revoir avec Elena. Nil, en marchant dans les couloirs pour rejoindre la voiture, sentait son cœur se serrer à chaque pas qui l’éloignait de son amie. Mia lui prit l’épaule, et l’embrassa. Elle était sous le choc, avec toutes ces révélations, mais elle tenait le coup. Le trio fut accueilli par les couinements de Roy, à la voiture. Sur le trajet du retour, personne ne parla. Chacun ruminait ses pensées et sa tristesse. Nil n’expliqua même pas la situation à son ami youm.
Il sentait bien qu’une question se posait : où allait habiter Nil ? D’abord, les trois jours avant la sortie d’Elena, puis le mois entier après. Chez Mia ? Chez John ? Et après, Nil allait-il retenter de trouver son père, après l’accident d’Elena ? Cette dernière question resta pour le moment sans réponse. Mais John répondit aux deux premières en disant, comme une évidence :
-         Nil, Mia, je vous propose de vous installer chez moi pour le mois qui suit. Elena pourra mieux récupérer dans la ville que dans la forêt. Et j’ai une chambre d’amis et un canapé. Je vous invite.
Mia remercia, et Nil acquiesça. Roy jappa, et John sourit. Seule Elena resta silencieuse, assise sur son lit, dans sa chambre d’hôpital.

2 commentaires:

  1. Coucou

    Pour le formulaire de contact sur le blog, il faut aller dans "Mise en page"; "Ajouter un gadget"; puis "Plus de gadget". Et enfin, "Formulaire de contact".

    Voilà voilà =)

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