dimanche 9 juin 2013

Chapitre 17 (Nil)



Chapitre 17


Roy se réveilla le premier, la lune encore visible parmi les nuages rosés et le ciel mauve. Il bailla à s’en arracher la mâchoire, puis s’étira. Sans réveiller personne. Le tension de la veille, bien qu’appaisée, était encore présente dans l’air. Heureusement, les deux maitres du jeune youm s’étaient réconciliés. Roy s’ébroua, puis s’élança à travers la plaine.
Nil s’éveilla en même temps que son amie Elena. Ses mains, pas encore cicatrisées, le faisaient encore souffrir. Mais il décida que ce n’était rien, et que d’abord comptait la jambe d’Elena. La pauvre ! Quelle idée elle avait eu de s’enfuir comme ça, pour ensuite tomber dans une crevasse ! Enfin… Il fallait à tout prix trouver quelqu’un qui pourrait la soigner, mais Nil rageait à l’idée de refaire à l’envers tout le chemin qu’ils avaient parcouru la veille. Mais il ne dit rien à Elena, de peur qu’elle se force à avancer, en refusant de soigner sa jambe, pour faire plaisir à Nil.
-         Nil, j’ai faim ! s’écria Elena.
-         Moi aussi. Et je me demande où est Roy.
-         Oh, ne t’inquiète pas pour lui. Il est grand, tu sais. Il retrouvera le chemin, même si nous repartons tout de suite.
Amusé du ton d’Elena, mais inquiet pour elle, Nil sourit tristement. Puis, en essayant de se reprendre un peu, il se pencha vers les sacs pour prendre à manger. Il ne savait absolument pas ce qu’ils feraient quand ils auraient mangé. Que faire ? Il fallait impérativement trouver un médecin, un sorcier ou quelqu’un capable de soigner son amie. Mais pour trouver quelqu’un, il fallait marcher : chose impossible pour Elena. Et il était hors de question de la laisser seule !
-         Eh, Nil, ça va bien, la tête ? Parce que je veux bien une robe, mais pour manger, ce n’est pas terrible !

Nil sortit de ses pensées et se rendit compte qu’il tendait un vêtement à Elena. Quel idiot ! Il rougit et prit un pain dans le fond du sac. Puis, il s’assit, le déchira et le posa devant lui. Les deux amis commencèrent à manger, sans un bruit. Puis, Elena demanda doucement :
-         Nil, comment on va faire ?
-         Je ne sais pas trop, hésita le garçon. Tu penses que tu… que tu pourrais marcher ?
-         Oui. Mais il me faudrait une canne. Pourquoi, où voudrais-tu aller ?
-         Il faut trouver quelqu’un capable de nous aider. De soigner ta jambe. Mais pour cela… il faudra que l’on…
-         Que l’on retourne en arrière ? Non, non et non ! Si je peux marcher, autant que nous allions de l’avant ! Cela revient au même.
Nil ne dit rien. Elena avait eu la réaction qu’il avait prévue. Mais il ne pouvait pas accepter de la laisser comme cela, sans la soigner. Il fallait absolument la convaincre de retourner en arrière.
-         Mais, il faut te soigner ! Tu ne peux pas continuer comme ça !
-         Nil, je sais très bien ce que je fais. C’est ma jambe, pas la tienne. Je sais que je peux continuer sans être soignée. Il suffit de me faire une attelle et que je prenne une canne ! Ça va aller, je te dis…
-         Bon. On continue encore ce matin, et si tu ne vas pas bien, on s’arrête. Mais tu promets de me dire quand tu es fatiguée, hein ?
-         Oui.
-         D’accord, c’est bien. Bon, on va te faire une attelle avec du bois.
Nil enfourna le reste de son pain et partit à la recherche de bois plat et résistant. Il remarqua alors que lui et Elena étaient loin de l’endroit où il l’avait vue, la veille. Il se demanda où ils étaient exactement, mais cette question fut remplacée par son énervement sur Elena.
Pourquoi n’acceptait-elle pas de se faire aider, pour une fois ? Le cas était grave ! Mais la jeune fille ne voulait pas montrer qu’elle était mal en point. Sacré Elena ! Soudain, Nil se souvint du but de leur voyage : retrouver son père. Et sa sœur. Dire qu’il l’avait presque oublié ! Comment avait-il pu insister pour revenir en arrière ? Mais, pensant à la jambe d’Elena, Nil se sentit encore plus honteux. Quel était le plus important ? Soigner son amie ou retrouver son père au plus vite ?
Nil trouva deux branches qui pourraient faire l’affaire, ainsi que plusieurs feuilles. Puis, il sortit de la forêt, rejoignant Elena sur la plaine. Ses pensées le tourmentaient encore. Mais il ne laissa rien paraître, et s’agenouilla auprès de son amie. Sans souffler mot, il commença l’attelle. Concentré, il s’appliqua à serrer les deux branches autour de la jambe d’Elena, puis attacha le tout avec la ficelle qu’ils avaient emportée. Entourant la ficelle avec les feuilles, puis fourrant le reste à l’intérieur de l’attelle, il soupira. Elena le regarda de ses yeux verts, et dit doucement :
-         Nil… Ça va. Vraiment. Merci beaucoup pour l’attelle. Je vais essayer de marcher. Où est passé le bâton que j’ai utilisé hier soir en guise de canne ?
-         Ici, dit Nil d’une voix un peu rauque, en lui tendant la branche.
-         Merci. On y va ?
-         Oui. Je rassemble les affaires, essaye de marcher, en attendant.
Elena s’exécuta, se levant avec peine. Mais, une fois debout, elle parut plutôt à l’aise. Bon, ce n’était pas parfait, elle n’aurait pas pu courir, mais ça pouvait aller. Elle sourit à Nil, d’un air un peu forcé, puis se détourna. Nil se demanda s’il faisait bien d’obéir à son amie, en continuant à avancer plutôt que de trouver un médecin. Mais il ne dit rien, et plaça un sac sur son dos, l’autre sur son ventre.
-         Mais… Où est Roy ? demanda soudain Nil d’un air inquiet.
-         Je t’ai dit de ne pas t’inquiéter, Nil. Il nous retrouvera. Allez, en route !

Le soleil était haut dans le ciel. Il devait être environ deux heures. Nil transpirait énormément, sous les deux sacs. Elena soufflait. Les deux amis s’étaient arrêtés pour manger il y avait maintenant deux heures et demie. Puis ils avaient fait une courte sieste de vingt minutes. Mais malgré cela, ils étaient exténués. Maintenant, même Elena doutait de sa capacité à continuer. Mais elle ne dit rien. Trop fière. Elle avait voulu continuer, il fallait qu’elle se force un peu.
Nil pensait aux aventures qu’Elena et lui avaient eues, depuis qu’ils s’étaient connus. Ce soir là dans la forêt, il avait cru voir un ange, près du lac. Et il avait de nouveau eu cette sensation la veille, quand Elena chantait. La jeune fille était faite pour l’eau. Et elle avait reçu une Spécialité à sa mesure. À cette pensée, le visage de Nil s’assombrit. Il avait l’impression que sa Spécialité, à lui, ne valait rien. En plus, il ne s’en était encore jamais servi pour monter sur le dos du youm. Roy ! Pourquoi ne les retrouvait-il pas ? Nil s’inquiétait de plus en plus à son sujet.
-         Elena…
-         Oui ?
-         J’ai peur pour Roy. Tu crois qu’il nous retrouvera ?
-         Mais oui, Nil… Un youm, ça a du flair. Arrête de t’inquiéter pour lui. Tu devrais plutôt de préoccuper de savoir où nous sommes.
Mince ! Ils ne suivaient plus la route depuis le matin, et avaient probablement changé de direction. Nil se mordit la lèvre inférieure et s’arrêta. En plus de tous leurs problèmes, voilà maintenant qu’ils étaient perdus ! Il bredouilla, la tête baissée :
-         On est perdu.
-         Oui. Cette plaine de roc est interminable. En tout cas, nous sommes toujours pas très loin de la forêt. C’est déjà un avantage.
-         Ah, oui tu as raison, nous n’avons pas arrêté de la longer. Mais ça ne nous avance pas à grand chose.
-         Écoute, on va s’asseoir et se reposer un peu. Après, on avisera.
-         D’accord, répondit Nil en s’asseyant. Comment va ta jambe ?
-         Bof. Ça peut aller. Mais il faut que je me repose.
Elena ne voulait pas admettre que son ami avait raison, en insistant pour qu’elle se fasse soigner. Elle voulait lui prouver… et aussi se prouver qu’elle pouvait y arriver. Il fallait qu’elle continue, au moins jusqu’au prochain village.
-         Nil, il faut que nous retrouvions la route. Sans ça, nous n’arriverons jamais à un autre village, et marcher ne nous avancera à rien.
-         Oui. Mais je n’ai pas la moindre idée d’où elle est. Si nous trouvions n’importe quoi, le moindre petit chemin…
Ils se turent. Ils savaient pertinemment qu’ils étaient en mauvaise voie pour trouver le père de Nil, ainsi que sa sœur. Roy n’était pas là, Elena avait une jambe invalide, et les deux sacs pesaient sur les épaules de Nil depuis le matin. Maintenant qu’il les avait enlevés, il se sentait épuisé. Les deux amis soupirèrent en même temps. Surpris, ils se regardèrent. En temps normal, cela les aurait fait sourire, mais là, ce les rendit encore plus désespérés.
-         Mia me manque, murmura Nil.
-         Moi, c’est John et sa femme, qui me manquent.
-         Oui, et Hovan, aussi.
-         Oui.
Ce n’étaient plus les sacs, qui pesaient sur les épaules de Nil, mais tout la responsabilité et le désespoir qu’il ressentait. Il n’avait pas été capable de convaincre Elena, ni de l’aider. Il n’avait pas été capable de suivre une simple route. Il n’avait pas été capable de retrouver Roy. Il n’avait pas été capable d’être un homme. La présence réconfortante des adultes lui manquait terriblement.
-         Elena ?
-         Oui…
-         Pardon.
-         Quoi ?
-         Pardon, je te dis.
-         Pourquoi ? Je suis aussi responsable que toi de ce qui se passe. Je n’aurais pas dû m’enfuir, hier soir. Je ne me serais pas cassé la jambe, et tu n’aurais pas eu à marcher lentement à côté de moi pendant tout le trajet, ni à porter les deux sacs. Et on serait déjà arrivés à un autre village.
-         Mais… C’est moi qui n’ai pas été capable de…
-         Chut, tais-toi. Arrête. Buvons un peu de lait, puis repartons. On va essayer de retrouver la route.
Nil ne répondit rien. Il sortit la bouteille de lait, en but quelques gorgées, puis  la tendit à Elena. En la regardant boire, puis essuyer la moustache que cela lui faisait, il la trouva très jolie. Avec ce petit visage, qui pouvait autant exprimer de la douleur que de la joie. Avec ces cheveux emmêlés, ces yeux verts… Verts.
Nil secoua la tête pour chasser ces pensées, en se rendant bien compte que ce n’était pas le moment d’admirer Elena. Il se leva, rangea la bouteille de lait, puis mis les deux sacs sur ses épaules. À son tour, Elena se leva, lentement, avec l’aide de Nil. La douleur dans sa jambe la fit grimacer. Nil le remarqua, et s’en voulut encore plus. Dès qu’il auraient retrouvé la route – s’ils la retrouvaient un jour –, il fallait impérativement qu’elle se fasse soigner. Si seulement Mia était là !
Les deux enfants marchèrent longtemps. De temps en temps, Elena décrétait qu’ils n’allaient pas dans la bonne direction, et ils changeaient de cap. Nil était fatigué, autant moralement que physiquement. Les évènements depuis l’avant veille lui retombaient dessus, de tout leur poids. Mais il continuait à marcher, courageux, suivant son amie. Il devait à présent être trois heures de l’après-midi. Et toujours pas de route en vue. Soudain, Elena s’écria :
-         Nil, écoute !
-         Quoi ? fit le garçon en tendant l’oreille.
-         Tu n’entends pas ? On dirait un bruit de moteur. La route ne doit plus être très loin !
-         Oui, je l’entends aussi ! Oh, c’est magnifique ! Viens vite, je pense que ça venait de là-bas, pressa-t-il en montrant une direction.
Il se mit à courir, sans plus se soucier de l’handicap de son amie. La route, enfin ! À présent, il voyait le véhicule. Celui-ci ralentissait. Tiens ? Bizarre… Elena criait à Nil de l’attendre, mais il continuait à courir.
Soudain, quand il fut à environ trente mètres du véhicule, à présent à l’arrêt, il entendit un cri derrière lui. Un cri de douleur. Il se retourna, et vit Elena, par terre, sa jambe formant un angle inquiétant. Elle pleurait. Nil, oubliant instantanément le véhicule, fit marche arrière, et s’agenouilla près de son amie. Elle gémissait et pleurait en même temps, ses mains entourant l’attelle à moitié défaite. Nil avait envie de se frapper, pour avoir couru sans l’attendre. C’était à cause de lui qu’elle était par terre.
-         Nil, tout va bien ? fit une voix de femme dans son dos.
Étonné d’entendre son prénom, l’intéressé regarda par dessus son épaule… Mais avant qu’il ait le temps de voir quoi que ce soit, Roy lui sauta dessus, suivit d’une exclamation par une voix masculine. Se débarrassant du youm, Nil leva les yeux. Au dessus de lui, se tenait John, et un peu plus loin…
Mia ! 

2 commentaires:

  1. Pendant les vacances, je relirai tous les épisodes de "Nil" pour mieux comprendre l'intrigue. L'écris-tu en tandem avec La Flamme ?

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    Réponses
    1. Oui oui oui ! C'est bien ce texte là que je compte présenter à ton concours. Mais pour l'instant, Laflamme me laisse un peu continuer car elle préfère se consacrer à ses examens (ce que je comprends tout à fait) !

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