Et
le vent sifflera sous les grands chênes
Demain,
dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, je partirai. Je
ne te regarderai pas, pour ne pas mourir encore en te voyant, et je
franchirai le seuil une dernière fois. Là, je martèlerai le sol
pour me persuader que j’existe sans toi, et je partirai. Je ne
regarderai sans doute pas loin devant moi, mais les phrases de ma vie
d’écriront sous mes pas. Je traverserai la forêt, et mes pas se
feront feutrés pour conserver ton sourire en un bois ; sur la
pente douce, les feuilles se craquelleront, puis le vent sifflera
ton âme sous les grands chênes et tout sera parfait pour nous deux.
Lorsqu’en fin je serai délivrée de toi, il me suffira d’avancer,
et là, c’est la montagne bleue que j’apercevrai. Sans
hésitation, j’y monterai, car une chose m’attend là-bas, que je
ne connais pas encore, mais qui ne tardera pas. Dans la belle vallée
verte, sous les brûlures scintillantes de la nuit, j’installerai
un nid dans la broussaille, près d’un feu coloré comme ta joie,
et la brise se fera tiède contre ma joue. Il n’est pas de doutes
que je songerai à toi, car ton image m’aura poursuivie dans ma
marche, et j’aimerais te voir en vie. Au petit matin, un noyer aux
longues branches aura poussé sur le brasier éteint. J’en tirerai
une branche que j’arroserai des mes larmes, et je tournerai le dos
au grand arbre. Je placerai la branche avec chaleur dans mon corsage
et c’est avec un bourgeon que la brindille accueillera le soleil.
Ma marche reprendra, et jusqu’au pied de la montagne, des fleurs
rieuses m’accompagneront en pointant devant moi. Alors que je
poserai un pied sur la première pierre, une bourrasque amère
m’enlèvera et une brise triste me guidera. J’avancerai dans une
caverne, et c’est-là que tu me laisseras, car la suite me regarde,
moi. Le bruit des esprits des vieux sages me suivra dans la montagne,
et porteront loin mes pas. Au rythme de leur musique sombre, je
marcherai, sans chercher à modérer mes pas. Peu à peu, ma
conscience se perdra, les vieux sages l’emmèneront dans un vaste
lieu tout brodé d’or, un lieu paré de corail et d’argent.
Peut-être qu’alors, la sentence se prononcera, et la fin ne
dépendra plus de moi. Quand mon esprit réintégrera mon corps qui
marche, marche, et marche encore, le bruit se dissipera doucement, et
la grotte s’éclairera. Il sera temps alors de chercher mon
chemin : la paix, écarlate, lumineuse, enfin.
C’est
ainsi que je veux mourir.
Pourtant,
je ne partirai pas sans toi.
A.
Rinop, d’après le premier vers du poème des Contemplations
de V. Hugo « Demain, dès l’aube ».
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