dimanche 21 avril 2013

Chapitre 15 (Nil)

« Mon fils.
Où que tu sois, quelque soit l'âge que tu aies à présent, je t'aime toujours. Tu ne m'as jamais connu, étant donné les circonstances de ta naissance. Je vais te raconter toute la vérité. Je veux que tu sache tout ce qui s'est passé, ainsi que tes origines. Le 10 avril, ta mère a accouché de toi et de ta sœur dans la forêt. Elle venait de passer six mois entier sous les arbres, hors de son village. C'était une Fô'limann. Elle et moi, venant de deux tribus différentes, ne pouvions pas vivre ensemble. Mais nous l'avons quand même fait, dans la forêt. Après vous avoir vu venir au monde, j'ai été chercher du linge pour vous couvrir, au Tîî. Mais je me suis fait prendre, et on m'a dénoncé. J'ai dû tout avouer, ma liaison avec votre mère, le lieu où elle se trouvait. Je m'en veux encore. Heureusement, j'avais omis de dire qu'il y avait non pas un, mais deux enfants. Les meilleurs guerriers se sont rués dans la forêt, et ont tué ta mère. Ils ne sont revenus qu'avec le garçon, toi. Je suppose que ta mère avait eu le temps de cacher ta sœur. Nous étions l'après-midi, et le chef du Tîî prévoyait de me sacrifier avec toi le soir même. Je devais te tuer de mes propres mains, puis me faire tuer ensuite. Je n'ai pas pu supporter l'idée de tuer mon enfant, alors je me suis enfui. Sans toi, qui était gardé dans une cabane. Je suis resté éloigné du village pendant trois jours. Puis je suis venu en cachette, la nuit, voir si tu étais vivant ou non. Je suis rentré dans toute les cabanes, jusqu'à te trouver. Puis, en te voyant paisiblement endormi à côté d'une jeune fille, je suis parti, rassuré. Je ne suis plus jamais revenu. Je pense que, maintenant, ta sœur doit être morte. Elle a dû mourir de froid ou de faim, dans la forêt. Ou les Fô'limann's l'ont trouvé et exécutée. Je ne saurai jamais.
Je ne sais pas quel nom tu as maintenant. Sûrement un nom en trois lettre, comme tous les Yottomin's.
Mais tu dois savoir que ta mère et moi t'avons aimé, et que tu as eu une sœur. Tu n'es pas seul. Je t'aime.
Ton père. »

Chapitre 15
Départ


Elena, respectueuse, laissa à Nil le temps de lire la lettre. Elle ne chercha pas à lire par dessus son épaule, elle attendit. Nil, oubliant complètement Elena, Hovan, Roy, et tout son entourage, lut le texte en tremblant.



En levant les yeux, Nil se rendit compte qu'il pleurait. Des taches mouillaient la feuille, et tout son corps était secoué de sanglots. Il plia soigneusement la lettre. Son esprit était embrouillé, des questions lui bloquaient l'esprit, mais tout était absolument clair. Il avait devant lui une lettre de son père, juste avant son départ du Tîî. Et il avait eu une sœur, sûrement morte à présent.
Elena s'approcha de lui, et l'entoura de ses bras. Elle brûlait de savoir ce que racontait cette mystérieuse lettre, mais elle laissa à Nil le temps de se remettre. Se remettre de quoi ? Elle ne savait pas. Elle pensa que Nil devait déjà être affaibli depuis l'annonce que Mia lui avait faite. Nil ne bougeait plus. Sa respiration saccadée le secouait un peu, mais il était immobile. Roy s'approcha de lui, l'air inquiet. Hovan affichait un masque de calme, mais Mia se doutait qu'il était ému. Ému de quoi ? Elle n'en savait rien. Ils restèrent un moment, tous silencieux, attendant que Nil prenne la parole. Même Hovan ne connaissait pas le contenu de la fameuse lettre. Nil, sentant bien que ses camarades étaient impatients, prit une grande inspiration et déclara :
  • Hovan... Nous avons eu une sœur. J'ai eu une jumelle.
Elena ouvrit de grands yeux, surprise. Hovan, le visage calme et impassible, n'avait pas l'air étonné le moins du monde. Mais son regard interrogateur, dirigé vers Nil, le trahissait.
  • Ta jumelle, souffla Elena, comme une évidence. C'était ta jumelle. Mais, en fait... Pourquoi « c'était » ?
  • Elle est... morte. Tiens, lis.
Il lui tendit le précieux papier, sous les yeux attentifs de Roy. Le youm sentait que la lettre contenait quelque chose de très important. Hovan ne fit pas de commentaire quand son frère la fit d'abord lire à Elena. Il savait bien que Nil et Elena s'aimaient.
La jeune fille lut la lettre, tenant le papier d'une main et la main de Nil de l'autre. Nil guettait sa réaction. Quand elle eut terminé, elle dit doucement :
  • Nil, je suis sûre que ta sœur est vivante.






Hovan, Nil, Elena et Roy marchaient côte à côte sur le port. Plus aucun ne se souciait de cacher le youm. L'heure était trop grave. C'était le lendemain matin. Les deux jeunes étaient retournés dormir chez John, pour préparer leurs affaires. Puis ils étaient revenu voir le jeune capitaine. Il avait finalement lu la lettre, et, comme Elena, il avait la conviction que la jumelle de Nil était vivante. Ensemble, ils avaient convaincu Nil, et celui-ci voulait maintenant retrouver sa sœur. Sa moitié. Hovan, qui devait repartir le surlendemain avec des cargaison, ne pouvait pas les accompagner. Mais il promit de faire des recherches dans les villes qu'il traverserait. Nil, qui la veille était heureux qu'Elena reparte avec lui, ne pensait plus du tout à cela. Pour l'instant, le principal pour lui était de retrouver la sœur jumelle, avec l'aide de son amie...
Voilà pourquoi ils marchaient côte à côte sur le port. Hovan voulait donner quelque chose à chacun d'eux, avant de les quitter. Ils rejoignaient donc le bateau. Hovan monta le premier sur la passerelle, suivit de Roy et des deux amoureux. Ils les conduisit dans sa cabine, et les fit asseoir.
  • Pour toi, Roy, voici un baluchon de viande maoké séchée. Je suis sûr que tu vas adorer ça. Pour toi, Elena, voilà un pendentif avec une dent d'elimag et une pierre rouge. Prends-en bien soin, il appartenait à ma première... Ma première amoureuse.
  • Merci, Hovan. Comment s'appelait-elle ?
  • Tallian. C'était une chouette fille, mais elle a du partir avec ses parents vers le nord. Je ne l'ai plus jamais revue. Enfin, c'est une autre histoire. Nil, pour toi, voici ce livre. Fais-y attention. Je te conseille de l'ouvrir avec ta jumelle, quand tu la retrouveras.
  • D'accord. Et si je ne la retrouve pas ?
Hovan ne répondit pas. Nil, un peu vexé, baissa la tête. Puis il enchaîna sur une autre question :
  • Hovan, comme s'appelait notre père ?
  • Yan. Un nom en trois lettres, comme toi. Et comme tous les Yottominn's.
  • Ok, merci. Comme ça, on pourra demander aux gens s'ils connaissent un « Yan ». Ça sera plus facile.
  • Tu voudrais que l'on retrouve d'abord ton père ? intervint Elena.
  • Oui. Je pense qu'il pourrait nous aider à retrouver ma sœur. Et puis, lui, on est sûrs qu'il est vivant.
  • Mouais. Pas si sûrs que ça. Enfin, c'est vrai qu'il pourrait peut-être nous aider. Hovan, saurais-tu où il aurait pu partir ?
Le jeune capitaine réfléchit, en grattant sa barbe de quelques jours. Puis, sans un mot, il secoua la tête : signe que non. Nil se sentit découragé. Il n'y avait pas si longtemps qu'il avait compris la grandeur du monde, et voilà qu'il fallait trouver son père dans cette immensité. C'était comme chercher un bébé riound dans la forêt ! Elena et lui n'avaient aucun indice sur l'endroit où il se trouvait.
  • Il faudrait peut-être que nous nous mettions en route, observa Elena.
  • Oui, mais en route vers où !? On ne sait pas du tout où chercher.
  • Nil, ne sois pas énervé comme ça ! On va commencer par faire des recherches dans cette ville, et puis on avisera. Allez, on y va ! Merci beaucoup, Hovan. Pour avoir apporté la lettre à Nil, nous avoir offert ces cadeaux et aidé. Au revoir !
  • Oui, à bientôt les enfants ! Je vais commencer à aller chercher la cargaison, et à la charger sur mon navire. Je reviendrai ici dans six semaines. Bon, allez, ouste ! Au revoir !
Nil, Elena et Roy sortirent de la cabine et descendirent ensemble du bateau. Le jeune youm gambadait partout, heureux de pouvoir enfin marcher librement dehors, sans se soucier du regard des gens. Ses deux maitres le suivaient. Elena proposa de commencer par aller dire au revoir à John et sa femme, en profitant pour leur demander si le nom « Yan » leur disaient quelque chose. Nil approuva, et ils se dirigèrent vers la maison de l'homme. Le garçon frappa fort, et John ouvrit :
  • Oh, vous revoilà, les enfants. Vous ne nous aviez même pas dit au revoir ! Vous êtes revenus pour ça ?
  • Oui. Et pour prendre nos affaires. Et aussi vous poser une question.
  • D'accord. Entrez. Restez là, dans le salon, je vais chercher vos sacs.
Elena s'était chargée de préparer les bagages – petits et légers, mais des bagages quand même. John leur avait donné des sacs, et la jeune fille les avait rempli de leur vieux habits de la forêt, ainsi qu'avec des provisions de graines, pain et lait. John revint aussitôt, avec les deux sacs. Ils les tendit à Nil et Elena et demanda :
  • Eh bien, cette fameuse question ?
  • Est-ce que le nom « Yan » vous évoque quelque chose ?
  • Euh... Attendez... Oui, j'ai déjà entendu ça quelque part. C'est... Un homme qui est venu il y a longtemps dans la ville. Je ne l'ai pas vu, mais comme il a volé des choses au marché, il a été arrêté et interrogé. Les journaux en ont parlé. Oui, il s'appelait Yan, c'était un voleur.
Les deux jeunes restèrent interdits. L'homme qu'ils cherchaient était un vulgaire voleur ? Nil eut un peu honte d'apprendre cela. Mais, bien vite, il se reprit :
  • John, pourquoi est-il arrivé dans cette ville ? Il a dit quoi, quand on l'a arrêté ?
  • Sur les photos des journaux, il était en habits très légers, et abîmés. Il avait la peau très foncée. Plus que les gens de la ville. Il devait venir de la forêt. Quand la police l'a arrêté et interrogé, il a pleuré, en marmonnant des paroles incompréhensibles. Mais... Pourquoi cela vous intéresse-t-il ?
  • Nous voulons le retrouver... pour des raisons personnelles de Nil.
John les regarda d'un air soupçonneux, mais acquiesça. Sa femme arriva dans le salon et intervint :
  • Vous êtes toujours là, les enfants ?! Vous n'êtes pas pressés de quitter des vieillards comme nous ? Enfin, j'en profite pour vous donner la moitié de mes biscuits. Ils sortent tout juste du four !
Elle leur tendit un petit paquet de tissus, tout chaud. Nil le fourra dans son sac et remercia. Comme l'avait fait remarquer la bonne femme, il était temps pour eux de partir. Ils embrassèrent les deux adultes, les louant pour leur accueil, et partirent. John avait une mine déconfite, comme un petit enfant qu'on priverait de son doudou. Mes les trois amis s'éloignèrent, sans les regarder. Ils sortirent de la ville par l'est, en longeant la route qui menait à la ville voisine.
Ils avaient une information en plus sur le père de Nil : il était passé dans cette ville. Mais cela soulevait une deuxième problème. Et si il avait pris un bateau ? Elena écarta cette idée.
  • Non, Nil, je ne pense pas que ton père soit parti par la mer. Je ne crois pas qu'il avait envie de voir du monde, après avoir abandonné son fils, perdu sa femme, et avoir été arrêté. Je pense qu'il a dû partir à pieds, vers d'autres villes.
  • Mouais... Espérons que tu aies raison. En attendant, je suis fatigué. Cela doit bien faire une heure que nous marchons. On s'arrête ?
  • D'accord, dit Elena en s'asseyant. Mais pas question de s'éloigner de la route. Nous devons la suivre jusqu'au bout.
Nil s'allongea par terre et soupira :
  • Est-que je retrouverai mon père et ma sœur, un jour ?
  • Mais, oui, Nil ! Arrête, un peu ! Tu es motivé pour la retrouver, ou pas ? Parce qu'on ne dirait pas du tout. Si tu veux, je peux te laisser avec ta mère de rechange et partir seule à la recherche de TON père !
Surpris et choqué, Nil ne répondit rien. Il ferma les yeux et posa sa tête sur son sac à dos. Il bouillonnait de... De pleins d'émotions en même temps. La tristesse, l'espoir, le découragement, l'agacement et le manque – de sa mère adoptive. Puis, il rouvrit les yeux et murmura :
  • Mia n'est pas ma mère de rechange.
Elena fronça les sourcils, puis elle tourna le dos à Nil. Si c'était ça, son argument, il pouvait se taire. Elle avait envie de secouer son ami un bon coup pour qu'il redevienne comme avant : plein d'énergie et d'enthousiasme, toujours à rire. Au souvenir du garçon, criant au vent et au champ tout son amour pour elle, Elena sentit une larme rouler sur sa joue. Pourquoi était-il si désagréable avec elle, ces jours-ci ?
Elle se leva, pris Roy dans les bras, et se remit à marcher, sans un mot, sans un regard pour Nil. Après tout, si il décidait de rester là, c'était son droit. Une boule dans la gorge, Elena fit quelques pas, se retourna vers son ami et annonça :
  • Si tu veux venir avec moi, c'est maintenant ou jamais.
Puis elle continua son chemin, accélérant un peu le pas. Au bout de vingt mètres, elle entendit des petits pats derrière elle. Mais elle ne se retourna pas, trop fière. Son ami finit par se placer à côté d'elle, calant son pas sur le sien. Il parla le premier :
  • OK, je vais essayer d'être un peu moins pessimiste. J'ai très envie de retrouver mon père, et peut-être aussi ma sœur. Je suis content de voyager avec toi.
  • Moi aussi, j'aime bien être avec toi. Et désolée d'avoir traité Mia de ta « mère de rechange ». Je... je ne le pensais pas.
  • ...
  • Nil... J'ai repensé à l'épisode de... Quand tu t'es évanoui, en rentrant pour retrouver Mia. Tu sais, ce que tu as crié... Tu te rappelles ?
  • Oui.
  • Eh ben... Moi aussi, je t'aime, Nil.
  

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