Ce chapitre, c'est encore une co-écriture. C'est La flamme qui l'a écrit, mais je l'ai relu.
Bonne lecture !
Chapitre 7
L’aveugle
-
Je suis tellement déçue, Nil. Mais
surtout, je vais devoir tout dire au chef. Tu m’avais promis !
-
Je suis désolé, maman…
-
Ne m’appelle pas maman !
Mia
tournait dans la pièce, en colère et tellement triste du
comportement de Nil. Elle le toisa encore une fois, et le prit par
les bras.
-
J’ai eu si peur ! Sais-tu combien
de temps tu es resté là-bas ? Quatre heures ! Tu te rends
compte ! Que faisais-tu ?
Nil
ne put s’empêcher de rougir en repensant à Elena, ce qui
n’échappa pas à Mia.
-
Bon, retourne te coucher, ordonna-t-elle
plus calmement. Le soleil se lève bientôt. Mais dis-moi… que
faisais-tu réellement ?
-
J’étais dans la forêt avec Roy.
-
Mmh. Monte te coucher !
Nil
obéit sans protester, content d’échapper à un interminable
interrogatoire. Mia sourit. Puis elle rappela Roy pour qu’il vienne
avec elle. Elle lui donna une galette de royas qu’il avala avec
difficulté à cause de toutes celles qu’il avait avalées avant.
Mia berça le youm quelques instants avant de murmurer :
-
Va te coucher, toi aussi, maintenant.
Nil
fit tout ce qu’il put, il ne parvint pas à trouver le sommeil. Il
se rappelait de toutes les rumeurs qui couraient sur les Sô’liman.
Elena ne représentait en aucun cas sa tribu, alors. En quoi
était-elle sanguinaire ? En quoi avait-elle essayé de capturer
Nil ? En quatre heures, elle avait bien eu au moins une
occasion. Nil sourit. C’était bien mieux ainsi. Il s’étaient
promis de se revoir dans une semaine, et malgré les recommandations
de Mia, Nil ferait tout pour retourner dans la forêt. Il avait
appris qu’Elena aimait beaucoup se baigner dans ce lac, mais comme
la forêt était interdite d’accès dans sa tribu aussi, elle ne
s’y rendait que la nuit, depuis ses neuf ans. Une semaine, pensa
Nil. Ce serait encore plus dur d’attendre que lorsqu’il avait
patienté pour sa Spécialité. Il se demanda alors si tous les
Fô’liman étaient comme Elena. Si c’était le cas, pourquoi
toutes ces rumeurs ?
Le
lendemain matin, lorsque Nil rejoignit Liz pour son apprentissage,
elle n’était malheureusement pas la seule à l’attendre. Le chef
et le fiovela étaient également présents, le regard sévère. Mia
avait donc tenu parole. Nil soupira, puis se décida à avancer vers
eux. Le chef l’aborda aussitôt :
-
Nil, tu m’as beaucoup déçu !
Rappelle-toi de ton apprentissage ! Tu dois prendre ça plus au
sérieux, sinon, comment feras-tu ?
-
Je suis désolé. Je n’aurais pas du
aller dans la forêt, mais…
-
Mais ?
-
Et bien… le lancer de couteaux… je
crois bien que ce n’est pas du tout mon truc. Je pense que je n’y
arriverais jamais. A cause de ça, je me suis énervé et je suis
allé dans la forêt sans réfléchir.
-
Ce n’est pas une raison. Et ton
apprentissage vient de commencer, tu as encore le temps !
Nil
ne répondit pas. Il se rappela simplement du couteau parfaitement
bien lancé par Elena.
-
Nil, reprit le fiovela, pouvons-nous te
faire confiance pour la suite ? Rappelle-toi que nous devons
trouver toutes tes qualités !
-
Oui, vous pouvez comptez sur moi,
marmonna-t-il.
-
Bien ! Alors, nous te laissons avec
Liz. Et ne nous déçois plus !
-
Oui.
Le
chef et le fiovela s’éloignèrent devant Nil, déchiré entre
rejoindre Elena ou obéir à Mia et aux lois du village. Cette
dernière partit à son tour après l’avoir raisonné. Roy sauta
autour de Nil, tout excité. Liz le regarda, puis soupira.
-
Je suis désolé, Nil, mais il va
falloir que tu n’emmènes pas ton youm avec toi pour la leçon
d’aujourd’hui.
-
Mais pourquoi ? s’exclama Nil.
-
Je vais t’apprendre à écouter la
nature, et ton youm pourrait faire fuir les autres animaux et nous
gêner. Tu dois le ramener chez toi.
-
C’est un animal lui aussi, protesta
l’adolescent.
-
Je le sais bien ! répondit Liz en
riant. Mais domestiqué. S’il te plaît, Nil. Ne fait pas l’enfant.
Ramène-le chez toi. Mia pourra très bien le garder.
-
Je vois que je n’ai pas le choix,
grogna Nil.
Il
partit en direction de sa cabane et commençait sérieusement à en
avoir assez de toutes ces règles. A contrecœur, il laissa Roy à
Mia, puis repartit. Liz le conduisit vers le fleuve qui coulait près
du village, elle l’invita à s’asseoir dans les roseaux. Elle
cueillit une fleur et demanda :
-
Donne-moi le nom de cette fleur.
Nil
sursauta. La réponse était toute simple !
-
C’est une odila !
-
Donne-moi ses caractéristiques et ses
propriétés.
-
Euh… je crois que l’on peut s’en
servir pour apaiser les piqûres d’insectes… mais il ne faut pas
la manger.
-
Très bien ! Et bien tu m’as
l’air plus doué dans ce domaine que l’action ! Enfin…
c’était une question de base. Donne-moi le nom et les propriétés
de cette plante.
Liz
tenait à présent une feuille d’un vert extrêmement foncé et
d’une incroyable finesse. Nil la connaissait bien, mais ignorait
son nom. Il y en avait très peu près du village, mais dans la
forêt, il y en avait multitude d’arbres portant ces feuilles. Il
répondit tout de même :
-
Je ne connais pas son nom mais je sais
qu’elle soulage de la fièvre si elle infusée. La sève de ses
arbres peut être bue et a un goût sucré.
-
Tu… tu en as déjà bu ?
-
Oui ! C’est très bon !
Liz
afficha un air ébahi. Puis elle sourit et murmura :
-
Dans la forêt, n’est-ce pas ?
-
…Moui.
-
Tu es vraiment un garçon étonnant.
Qu’aurais-tu fait si elle n’avait pas été comestible ?
-
Je ne suis pas fou ! riposta Nil.
Roy en avait bu, et il s’en est sorti vivant, non ?
D’ailleurs, je ne vois pas en quoi il nous aurait gênés pour
cette leçon.
-
Pour l’instant, j’ai besoin de
connaître l’étendue de tes connaissances. Mais tu as l’air d’en
connaître un rayon, alors je propose de passer à la suite.
-
D’accord.
Elle
l’incita à se rapprocher d’elle.
-
Ecoute tout autour de toi,
murmura-t-elle. Puis, je vais te dire ce que j’entends et tu devras
l’entendre aussi. Je refais un peu le même exercice que celui de
la chasse.
Nil
se concentra sur chaque bruit qu’il entendait et tenta de les
identifier. Au bout de quelques minutes, Liz souffla :
-
L’eau qui coule entre les rochers.
Nil
hocha la tête. Evidemment qu’il l’avait entendue.
-
Le vent.
Ça
aussi Nil pouvait l’écouter.
-
Mon cœur qui bat moins vite que le
tient.
Pour
ça, Nil écarquilla les yeux. A cause de tous les autres bruits, il
ne faisait même pas attention aux sons les plus proches. Il tendit
l’oreille, mais ne parvint pas à percevoir le battement de cœur
de Liz, seulement le sien.
-
Le chant des oiseaux rondeleurs.
Après
quelques secondes, Nil distingua en effet le chant si discret de ces
oiseaux rouges et gris.
-
Nos respirations.
L’adolescent
ferma les yeux et sentit le souffle de Liz près de lui.
-
Nos battements de cœur.
-
Mais…
-
Chut !
Nil
écouta. Entendit. Le cœur de son mentor battait plus lentement que
le sien. Il avait réussi. Liz se leva et s’étira.
-
A présent, ferme les yeux.
-
Pourquoi ?
-
Je vais te mettre un bandeau, et tu vas
devoir rentrer chez toi grâce à tes cinq sens, sauf la vue.
-
Je n’y arriverais jamais !
-
Tu n’es pas le premier à passer par
là. Il n’y a aucune raison que tu échoues.
-
Pff…
Nil
se tourna, dos à Liz et grommela de mécontentement.
-
Sache que tu es le seul élève que
j’aie eu jusqu’à maintenant qui ait réussi à entendre nos
cœurs battre dés la première leçon.
L’adolescent
pivota et s’exclama, remotivé :
-
C’est vrai ?
-
Bien sûr.
-
Alors je vais y arriver !
Il
ferma les yeux, et Liz attacha un bandeau autour de son crâne.
Après
bientôt trois quarts d’heure difficiles à chercher son chemin,
Nil comprit qu’il se trouvait dans le village. Le plus dur
commençait. Les voix des gens, les murs ; obstacles
improbables, les animaux. Nil se concentra et se remit à marcher
lentement. Il avait juste oublié un détail. Une main l’attrapa
par le bras d’un seul coup. Il sursauta quand la voix de Stë
résonna dans ses oreilles :
-
Alors Nil le rétréci ! Tu es
devenu aveugle !
Des
rires retentirent autour de Nil qui serra les dents.
-
Laisse-moi tranquille Stë ! Liz
m’a donné une leçon, je dois rentrer chez moi sans la vue.
-
Te laisser tranquille ! répéta
Stë. Tu rigoles, j’espère. Pour une fois que tu ne peux pas
t’enfuir !
Nil
recula un peu, mais il buta dans quelqu’un. Les rires reprirent
plus fort. Il reçut un coup dans le ventre et suffoqua.
-
Bah alors, le rétréci ! C’est
tout ce que tu as ? Utilise ta Spécialité !
L’adolescent
sentit une forte chaleur contre son bras. Il se rappela de ce que Mia
lui avait dit, qu’une Spécialité n’était pas faite pour se
battre.
-
Arrête, Stë ! Je ne veux pas me
battre.
-
Regardez-moi ça ! Ce n’est plus
Nil le rétréci, c’est Nil la poule mouillée !
Pour
accompagner ses paroles, Stë frappa Nil qui tomba au sol,
sonné. Des rires et des huées suivirent. Nil se recroquevilla sur
lui-même.
Lorsque
Mia entendit la porte de la cabane s’ouvrir, elle se précipita,
pressée de savoir si l’opinion de Nil avait changé. En arrivant à
l’entrée, elle faillit crier. Elle sursauta et sa plaqua les mains
à la bouche, puis se précipita sur Nil.
-
Nil ! Que s’est-il passé ?
Tu t’es battu ?
L’adolescent
était recouvert de bosses et de terre, sa peau était écorchée et
brûlée à certains endroits, ses lèvres saignaient et son
tee-shirt était complètement déchiré. Il ouvrit la bouche et
marmonna placidement :
-
Non. Je suis tombé.
Il
écarta sa mère de son chemin et se dirigea vers sa chambre.
-
Nil ! Ne me mens pas !
Il
ne répondit pas et s’engouffra dans sa chambre sans un regard pour
Mia. Elle n’insista pas, émue et attristée de voir sa relation
avec Nil devenir tendue. Elle ne l’avait pas vu grandir. Pour elle,
c’était toujours « son p’tit Nil ».
A
l’intérieur de sa chambre, Nil s’était assis au sol, la tête
enfouie dans ses bras. Il ne pleurait pas. Roy jouait à côté de
lui avec de vieux morceaux de galettes de royas. Nil aurait aimé les
mettre, lui et sa bonne humeur, dehors pour être au calme. Ce qu’il
fit. Mia le voyant ressortir pour laisser le youm avec elle
s’inquiéta, mais ne dit rien.
Nil
retourna dans sa chambre, le regard noir. Il était furieux de
n’avoir rien pu faire. A quoi cela servait-il de savoir ce qu’était
une odila si l’on ne pouvait même pas se défendre ? Il était
juste minable. Même Elena était meilleure que lui au lancer de
couteaux. Il frappa le poing contre le mur, enragé. Un énorme
grondement s’ensuivit et des cris retentirent. Mia hurla. Nil se
leva et ouvrit la porte. Personne. Ni Roy, ni Mia. Il se précipita
dehors et tressaillit d’effroi.
Le
village entier semblait fuir un ennemi que Nil ne connaissait pas
encore. Il tourna la tête. Une foule humaine dévastait tout sur son
passage. Des drapeaux flottaient dans l’air, ils étaient décorés.
Un demi-cercle rouge. Avec deux ailes.
Les
Fô’limans.
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