jeudi 28 février 2013

Chapitre 7 (Nil)

Ce chapitre, c'est encore une co-écriture. C'est La flamme qui l'a écrit, mais je l'ai relu.
Bonne lecture ! 



Chapitre 7
L’aveugle


-      Je suis tellement déçue, Nil. Mais surtout, je vais devoir tout dire au chef. Tu m’avais promis !
-      Je suis désolé, maman…
-      Ne m’appelle pas maman !
     Mia tournait dans la pièce, en colère et tellement triste du comportement de Nil. Elle le toisa encore une fois, et le prit par les bras.
-      J’ai eu si peur ! Sais-tu combien de temps tu es resté là-bas ? Quatre heures ! Tu te rends compte ! Que faisais-tu ?
     Nil ne put s’empêcher de rougir en repensant à Elena, ce qui n’échappa pas à Mia.
-      Bon, retourne te coucher, ordonna-t-elle plus calmement. Le soleil se lève bientôt. Mais dis-moi… que faisais-tu réellement ?
-      J’étais dans la forêt avec Roy.
-      Mmh. Monte te coucher !
    Nil obéit sans protester, content d’échapper à un interminable interrogatoire. Mia sourit. Puis elle rappela Roy pour qu’il vienne avec elle. Elle lui donna une galette de royas qu’il avala avec difficulté à cause de toutes celles qu’il avait avalées avant. Mia berça le youm quelques instants avant de murmurer :
-      Va te coucher, toi aussi, maintenant.
     Roy sauta hors des bras de Mia et courut rejoindre Nil.





     Nil fit tout ce qu’il put, il ne parvint pas à trouver le sommeil. Il se rappelait de toutes les rumeurs qui couraient sur les Sô’liman. Elena ne représentait en aucun cas sa tribu, alors. En quoi était-elle sanguinaire ? En quoi avait-elle essayé de capturer Nil ? En quatre heures, elle avait bien eu au moins une occasion. Nil sourit. C’était bien mieux ainsi. Il s’étaient promis de se revoir dans une semaine, et malgré les recommandations de Mia, Nil ferait tout pour retourner dans la forêt. Il avait appris qu’Elena aimait beaucoup se baigner dans ce lac, mais comme la forêt était interdite d’accès dans sa tribu aussi, elle ne s’y rendait que la nuit, depuis ses neuf ans. Une semaine, pensa Nil. Ce serait encore plus dur d’attendre que lorsqu’il avait patienté pour sa Spécialité. Il se demanda alors si tous les Fô’liman étaient comme Elena. Si c’était le cas, pourquoi toutes ces rumeurs ?

Le lendemain matin, lorsque Nil rejoignit Liz pour son apprentissage, elle n’était malheureusement pas la seule à l’attendre. Le chef et le fiovela étaient également présents, le regard sévère. Mia avait donc tenu parole. Nil soupira, puis se décida à avancer vers eux. Le chef l’aborda aussitôt :
-      Nil, tu m’as beaucoup déçu ! Rappelle-toi de ton apprentissage ! Tu dois prendre ça plus au sérieux, sinon, comment feras-tu ?
-      Je suis désolé. Je n’aurais pas du aller dans la forêt, mais…
-      Mais ?
-      Et bien… le lancer de couteaux… je crois bien que ce n’est pas du tout mon truc. Je pense que je n’y arriverais jamais. A cause de ça, je me suis énervé et je suis allé dans la forêt sans réfléchir.
-      Ce n’est pas une raison. Et ton apprentissage vient de commencer, tu as encore le temps !
    Nil ne répondit pas. Il se rappela simplement du couteau parfaitement bien lancé par Elena.
-      Nil, reprit le fiovela, pouvons-nous te faire confiance pour la suite ? Rappelle-toi que nous devons trouver toutes tes qualités !
-      Oui, vous pouvez comptez sur moi, marmonna-t-il.
-      Bien ! Alors, nous te laissons avec Liz. Et ne nous déçois plus !
-      Oui.
    Le chef et le fiovela s’éloignèrent devant Nil, déchiré entre rejoindre Elena ou obéir à Mia et aux lois du village. Cette dernière partit à son tour après l’avoir raisonné. Roy sauta autour de Nil, tout excité. Liz le regarda, puis soupira.
-      Je suis désolé, Nil, mais il va falloir que tu n’emmènes pas ton youm avec toi pour la leçon d’aujourd’hui.
-      Mais pourquoi ? s’exclama Nil.
-      Je vais t’apprendre à écouter la nature, et ton youm pourrait faire fuir les autres animaux et nous gêner. Tu dois le ramener chez toi.
-      C’est un animal lui aussi, protesta l’adolescent.
-      Je le sais bien ! répondit Liz en riant. Mais domestiqué. S’il te plaît, Nil. Ne fait pas l’enfant. Ramène-le chez toi. Mia pourra très bien le garder.
-      Je vois que je n’ai pas le choix, grogna Nil.
    Il partit en direction de sa cabane et commençait sérieusement à en avoir assez de toutes ces règles. A contrecœur, il laissa Roy à Mia, puis repartit. Liz le conduisit vers le fleuve qui coulait près du village, elle l’invita à s’asseoir dans les roseaux. Elle cueillit une fleur et demanda :
-      Donne-moi le nom de cette fleur.
    Nil sursauta. La réponse était toute simple !
-      C’est une odila !
-      Donne-moi ses caractéristiques et ses propriétés.
-      Euh… je crois que l’on peut s’en servir pour apaiser les piqûres d’insectes… mais il ne faut pas la manger.
-      Très bien ! Et bien tu m’as l’air plus doué dans ce domaine que l’action ! Enfin… c’était une question de base. Donne-moi le nom et les propriétés de cette plante.
    Liz tenait à présent une feuille d’un vert extrêmement foncé et d’une incroyable finesse. Nil la connaissait bien, mais ignorait son nom. Il y en avait très peu près du village, mais dans la forêt, il y en avait multitude d’arbres portant ces feuilles. Il répondit tout de même :
-      Je ne connais pas son nom mais je sais qu’elle soulage de la fièvre si elle infusée. La sève de ses arbres peut être bue et a un goût sucré.
-      Tu… tu en as déjà bu ?
-      Oui ! C’est très bon !
    Liz afficha un air ébahi. Puis elle sourit et murmura :
-      Dans la forêt, n’est-ce pas ?
-      …Moui.
-      Tu es vraiment un garçon étonnant. Qu’aurais-tu fait si elle n’avait pas été comestible ?
-      Je ne suis pas fou ! riposta Nil. Roy en avait bu, et il s’en est sorti vivant, non ? D’ailleurs, je ne vois pas en quoi il nous aurait gênés pour cette leçon.
-      Pour l’instant, j’ai besoin de connaître l’étendue de tes connaissances. Mais tu as l’air d’en connaître un rayon, alors je propose de passer à la suite.
-      D’accord.
    Elle l’incita à se rapprocher d’elle.
-      Ecoute tout autour de toi, murmura-t-elle. Puis, je vais te dire ce que j’entends et tu devras l’entendre aussi. Je refais un peu le même exercice que celui de la chasse.
    Nil se concentra sur chaque bruit qu’il entendait et tenta de les identifier. Au bout de quelques minutes, Liz souffla :
-      L’eau qui coule entre les rochers.
    Nil hocha la tête. Evidemment qu’il l’avait entendue.
-      Le vent.
    Ça aussi Nil pouvait l’écouter.
-      Mon cœur qui bat moins vite que le tient.
    Pour ça, Nil écarquilla les yeux. A cause de tous les autres bruits, il ne faisait même pas attention aux sons les plus proches. Il tendit l’oreille, mais ne parvint pas à percevoir le battement de cœur de Liz, seulement le sien.
-      Le chant des oiseaux rondeleurs.
     Après quelques secondes, Nil distingua en effet le chant si discret de ces oiseaux rouges et gris.
-      Nos respirations.
    L’adolescent ferma les yeux et sentit le souffle de Liz près de lui.
-      Nos battements de cœur.
-      Mais…
-      Chut !
    Nil écouta. Entendit. Le cœur de son mentor battait plus lentement que le sien. Il avait réussi. Liz se leva et s’étira.
-      A présent, ferme les yeux.
-      Pourquoi ?
-      Je vais te mettre un bandeau, et tu vas devoir rentrer chez toi grâce à tes cinq sens, sauf la vue.
-      Je n’y arriverais jamais !
-      Tu n’es pas le premier à passer par là. Il n’y a aucune raison que tu échoues.
-      Pff…
    Nil se tourna, dos à Liz et grommela de mécontentement.
-      Sache que tu es le seul élève que j’aie eu jusqu’à maintenant qui ait réussi à entendre nos cœurs battre dés la première leçon.
    L’adolescent pivota et s’exclama, remotivé :
-      C’est vrai ?
-      Bien sûr.
-      Alors je vais y arriver !
    Il ferma les yeux, et Liz attacha un bandeau autour de son crâne.


    Après bientôt trois quarts d’heure difficiles à chercher son chemin, Nil comprit qu’il se trouvait dans le village. Le plus dur commençait. Les voix des gens, les murs ; obstacles improbables, les animaux. Nil se concentra et se remit à marcher lentement. Il avait juste oublié un détail. Une main l’attrapa par le bras d’un seul coup. Il sursauta quand la voix de Stë résonna dans ses oreilles :
-      Alors Nil le rétréci ! Tu es devenu aveugle !
    Des rires retentirent autour de Nil qui serra les dents.
-      Laisse-moi tranquille Stë ! Liz m’a donné une leçon, je dois rentrer chez moi sans la vue.
-      Te laisser tranquille ! répéta Stë. Tu rigoles, j’espère. Pour une fois que tu ne peux pas t’enfuir !
    Nil recula un peu, mais il buta dans quelqu’un. Les rires reprirent plus fort. Il reçut un coup dans le ventre et suffoqua.
-      Bah alors, le rétréci ! C’est tout ce que tu as ? Utilise ta Spécialité !
    L’adolescent sentit une forte chaleur contre son bras. Il se rappela de ce que Mia lui avait dit, qu’une Spécialité n’était pas faite pour se battre.
-      Arrête, Stë ! Je ne veux pas me battre.
-      Regardez-moi ça ! Ce n’est plus Nil le rétréci, c’est Nil la poule mouillée !
    Pour accompagner ses paroles, Stë frappa Nil qui tomba  au sol, sonné. Des rires et des huées suivirent. Nil se recroquevilla sur lui-même.

Lorsque Mia entendit la porte de la cabane s’ouvrir, elle se précipita, pressée de savoir si l’opinion de Nil avait changé. En arrivant à l’entrée, elle faillit crier. Elle sursauta et sa plaqua les mains à la bouche, puis se précipita sur Nil.
-      Nil ! Que s’est-il passé ? Tu t’es battu ?
    L’adolescent était recouvert de bosses et de terre, sa peau était écorchée et brûlée à certains endroits, ses lèvres saignaient et son tee-shirt était complètement déchiré. Il ouvrit la bouche et marmonna placidement :
-      Non. Je suis tombé.
    Il écarta sa mère de son chemin et se dirigea vers sa chambre.
-      Nil ! Ne me mens pas !
    Il ne répondit pas et s’engouffra dans sa chambre sans un regard pour Mia. Elle n’insista pas, émue et attristée de voir sa relation avec Nil devenir tendue. Elle ne l’avait pas vu grandir. Pour elle, c’était toujours « son p’tit Nil ».
    A l’intérieur de sa chambre, Nil s’était assis au sol, la tête enfouie dans ses bras. Il ne pleurait pas. Roy jouait à côté de lui avec de vieux morceaux de galettes de royas. Nil aurait aimé les mettre, lui et sa bonne humeur, dehors pour être au calme. Ce qu’il fit. Mia le voyant ressortir pour laisser le youm avec elle s’inquiéta, mais ne dit rien.
    Nil retourna dans sa chambre, le regard noir. Il était furieux de n’avoir rien pu faire. A quoi cela servait-il de savoir ce qu’était une odila si l’on ne pouvait même pas se défendre ? Il était juste minable. Même Elena était meilleure que lui au lancer de couteaux. Il frappa le poing contre le mur, enragé. Un énorme grondement s’ensuivit et des cris retentirent. Mia hurla. Nil se leva et ouvrit la porte. Personne. Ni Roy, ni Mia. Il se précipita dehors et tressaillit d’effroi.
    Le village entier semblait fuir un ennemi que Nil ne connaissait pas encore. Il tourna la tête. Une foule humaine dévastait tout sur son passage. Des drapeaux flottaient dans l’air, ils étaient décorés. Un demi-cercle rouge. Avec deux ailes.
    Les Fô’limans.








Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Pour laisser un commentaire :
- Ecrivez votre texte
- Cliquez sur "Sélectionner le profil"
- Choisissez "Nom/URL"
- Entrez votre pseudo dans "Nom" et laissez "URL" vide

Voilà, vous pouvez publier !

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...